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L'article provient de Le Journal de Montréal

Propriétaire démasqué: il prétexte un divorce pour expulser sa locataire

La locataire a même épinglé son proprio qui s’affichait dans un magazine avec son mari et sa luxueuse maison

Nelson de Sousa, ici avec son conjoint et leur enfant, que nous avons caché puisqu'ils ne sont pas liés au jugement du TAL. Ils posent devant leur luxueuse résidence, où la famille réside toujours sur Le Plateau-Mont-Royal et dont il est question dans le document de cour.
Nelson de Sousa, ici avec son conjoint et leur enfant, que nous avons caché puisqu'ils ne sont pas liés au jugement du TAL. Ils posent devant leur luxueuse résidence, où la famille réside toujours sur Le Plateau-Mont-Royal et dont il est question dans le document de cour. Photo tirée du magazine en ligne lashedarchitecture.com
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Photo portrait de Francis Pilon

Francis Pilon

2023-06-12T20:50:32Z
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Un propriétaire de plusieurs immeubles à Montréal aurait tenté d’expulser sa locataire en prétextant un divorce avec son conjoint, mais une juge a rapidement démasqué ses subterfuges et a refusé sa demande de «mauvaise foi».

«Le Tribunal estime que ce que recherche avant tout le propriétaire, c’est l’éviction de la locataire de son logement, car de toute évidence le loyer payé par cette dernière, soit de 900$, est bien en deçà du loyer payé par les autres locataires de l’immeuble», peut-on lire dans un jugement à ce sujet, rendu en mai dernier.

Le propriétaire, Nelson De Sousa, s’est rendu devant le Tribunal administratif du logement (TAL) pour reprendre l’appartement sur Le Plateau-Mont-Royal, occupé par sa locataire Florence Lavoie-Côté. 

Selon l'avocate de la locataire, Nelson De Sousa possède un «important parc immobilier» et voyage plusieurs fois par année. Le voici durant un de ses périples.
Selon l'avocate de la locataire, Nelson De Sousa possède un «important parc immobilier» et voyage plusieurs fois par année. Le voici durant un de ses périples. Photo tirée du Instagram de nelson_desousa

Son motif? Une séparation en mai 2022 avec le père de son fils de 9 ans l’oblige à déménager rapidement. 

«Or, même si le locateur affirme être séparé de son conjoint, aucune preuve objective ou concrète ne vient corroborer cette allégation. Le locateur admet vivre au domicile familial avec son conjoint et leur fils et être toujours marié. Il précise qu’aucune décision n’est prise concernant la vente du domicile familial», note le Tribunal, qui a rejeté la demande de M. De Sousa.

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Pas sa première éviction

La juge Isabelle Gauthier rappelle aussi dans cette décision que le propriétaire a déjà usé de ce petit manège, cinq ans plus tôt, pour expulser d’autres locataires de l’immeuble où vit Florence Lavoie-Côté. 

«Le propriétaire et son conjoint étaient séparés, selon leur témoignage, depuis le mois de mai 2017. Le propriétaire témoigne qu’il y a eu reprise de la vie commune 14 mois après la reprise de ce logement, ce qui a eu comme conséquence que le logement a été remis sur le marché locatif, moins de deux ans après en avoir été retiré, à un loyer mensuel non plus de 745$, mais de plus du double, soit 1695$», peut-on lire dans le document de cour. 

Notons que la locataire, Mme Lavoie-Côté, allègue pour sa part que son proprio ne risque pas de vouloir habiter dans son logement plutôt modeste.  

«Il habite actuellement dans une maison de ville prestigieuse située dans le même arrondissement et ayant été l’objet de photographies publiées dans un magazine d’architecture», explique-t-elle à la cour. 

Voyez la publication en question ci-dessous:

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Un appart «pour sa mère»

Avant de lui soumettre une reprise de son logement en décembre 2022, le propriétaire a d’ailleurs demandé à sa locataire si elle comptait quitter son unité, puisqu’il cherchait un appartement pour sa mère.

«[Nelson De Sousa] témoigne également que sa mère vit avec son père, dans un immeuble leur appartenant depuis 2015, dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, ne précisant pas, malgré les questions de l’avocate de la locataire, pour quelle raison sa mère aurait alors eu besoin de se loger dans le logement de la locataire», précise la juge. 

En février 2021, M. De Sousa a même demandé à sa même locataire si elle était prête à quitter son logement en échange d’une compensation financière. Florence Lavoie-Côté a toutefois refusé cette offre. 

«Le Tribunal ne voit pas, dans ce raisonnement du locateur et dans de telles circonstances plutôt nébuleuses, une situation démontrant la nécessité réelle et sérieuse de reprise de possession pour s’y loger. [...] Conséquemment, une telle autorisation à la reprise du logement ne peut être accordée», conclut l’honorable Isabelle Gauthier. 

«La juge a vu clair dans son jeu»

Le Journal a appelé lundi Nelson De Sousa, qui possède au moins six immeubles situés sur Le Plateau-Mont-Royal et dans Rosemont—La Petite-Patrie, à Montréal. 

«C’est terrible, je ne m’attendais vraiment pas à ça comme jugement», lance au bout du fil celui qui est aussi président d’Espace LGBTQ+, un organisme ayant pour but de développer un réseau immobilier pour les groupes communautaires de la diversité sexuelle et de genre.

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M. De Sousa ajoute que l’avocate de sa locataire, Me Kimmyanne Brown, a fait un «show» et a réussi à convaincre la juge. «Elle m’a bien ramassé», admet-il, en insistant sur le fait d’avoir réellement divorcé de son conjoint et être de bonne foi.

Pour Me Brown, contacté par notre représentant, le propriétaire voulait assurément expulser sa locataire pour augmenter le loyer. 

«C’est quelqu’un qui voyage cinq à six fois par année, qui a un important patrimoine immobilier, mais il tenait mordicus à dire qu’il ne voulait pas reprendre le logement de ma cliente pour son loyer qui est bas... Mais la juge a vu clair dans son jeu», laisse tomber l’avocate spécialisée dans le domaine du logement.

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