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L'article provient de Le Journal de Québec
Politique

Proposer de «changer d’ère»: est-ce payant politiquement?

PATRICK BELLEROSE/JOURNAL DE QUÉBEC/AGENCE QMI
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Julien Corona

2022-09-09T23:00:00Z
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En politique s’affrontent souvent deux visions de l’électeur: soit il est «égoïste» et individualiste, soit il se dépasse et pense au-delà de sa propre situation. Alors qu’un parti politique propose de «changer d’ère», demandons-nous si cette stratégie électorale est viable.

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«Changer d’ère», c’est par ces mots que Québec solidaire invite les électeurs à choisir son programme et sa plateforme.

SI cela doit aider la formation de gauche à dépasser son statut de deuxième opposition officielle, ce slogan essaie de capturer aussi la nécessité de prendre en compte les nouveaux défis de société comme la crise climatique.

Cette maxime incite, voire oblige, les citoyens à modifier leur mode de vie et leurs habitudes. 

Chose atypique, elle peut quasiment être aussi apposée aux propositions environnementales de son concurrent à gauche, le PQ.

Cela nous amène à nous poser une question simple, surtout en période électorale: proposer de «changer d’ère», est-ce payant politiquement?

Photo d'archives, Agence QMI
Photo d'archives, Agence QMI

Sur un aspect général, la nécessité d'un équilibre entre optimisme et pragmatisme dans une plateforme électorale

À ce sujet, le professeur agrégé en droit à l’Université de Sherbrooke, directeur des programmes en droit et politique de l’État, Guillaume Rousseau, et le politologue et chargé de cours au Département de science politique de l’UQAM, André Lamoureux, s’entendent sur l’équilibre à trouver entre ces deux qualités.

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M. Rousseau explique que si l’optimisme guide le plus souvent la préparation de la plateforme d’un parti, plus la date du scrutin approche, plus le pragmatisme l’emporte au fur et à mesure que les conseillers politiques viennent apporter modifications et pondérations en vue du vote.

ANNABELLE BLAIS/AGENCE QMI
ANNABELLE BLAIS/AGENCE QMI

M. Lamoureux rejoint ce point de vue en parlant «d’optimisme avec pragmatisme». Cet équilibre se retrouve du fait que «les gens veulent entendre des propositions qui vont améliorer leurs conditions de vie, tout en ayant des pistes de solutions concrètes et efficaces permettant de régler certains [problèmes] dans leur vie quotidienne».

Sur un aspect particulier, une plus forte acceptabilité politique pour des plans environnementaux forts

La présentation de projets, surtout environnementaux, incitant, voire obligeant, l’électorat à modifier son mode de vie aurait pu il y a quelques cycles électoraux être vue comme du suicide politique.

Comme l’explique M. Rousseau, si avant on considérait que tout le monde se souciait de l’environnement mais que personne n’en faisait une priorité déterminant le vote, les choses ont changé aujourd’hui. 

Néanmoins, là encore, explique-t-il, un équilibre entre optimisme et mesures énergiques, et pragmatisme voire quasi-ignorance doit être trouvé.

M. Rousseau ajoute que dans ce dossier, comme dans tous les autres, «tout va [se] jouer non seulement [sur] la justesse technique des idées, mais aussi [sur] la crédibilité du parti porteur de ces idées. Aucun parti n’est très crédible sur l’environnement, quoique certains le sont plus que d’autres».

Photo Agence QMI, Mario Beauregard
Photo Agence QMI, Mario Beauregard

L’importance d’un électorat vu comme moins égoïste

L’électeur serait donc prêt aux sacrifices, rendant viables électoralement des propositions fortes, si ces dernières sont audacieuses, mais surtout sérieuses et chiffrées.

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Pour M. Rousseau, «les élections québécoises sont souvent un moment de haute politique. L’électeur est amené à penser au-delà de sa situation personnelle. C’est pourquoi, si un parti propose un plan audacieux, dans le contexte d’une telle élection cela peut fonctionner».

De ce fait, comme le rappelle le responsable de la campagne Climat-Énergie de Greenpeace Canada à l’émission Questions d’actualité format estival à Radio VM, du fait que les plans de QS et du PQ en matière environnementale présentent un sérieux et une crédibilité apportés par des contributions scientifiques fortes, ils peuvent être plus acceptables pour l’électorat. 

CAPTURE D'ÉCRAN / TVA NOUVELLES / AGENCE QMI
CAPTURE D'ÉCRAN / TVA NOUVELLES / AGENCE QMI

Il ajoute aussi que la prise de conscience environnementale majeure de l’électorat québécois est aussi une raison de la bonne réception de projets obligeant quasiment à changer de mode de vie.

Mais attention quand même aux écueils

Si pour M. Bonin une «bonne volonté» pour agir pour l’environnement semble être présente, pour nos deux autres panélistes, il ne faudrait pas que la stratégie électorale en arrière de ces plans environnementaux, principalement celui de QS, se retourne contre les partis qui les proposent.

Photo Fotolia
Photo Fotolia

M. Lamoureux y voit des chiffres inatteignables même avec de la bonne volonté de la part des électeurs, et ce, malgré une préparation scientifique sérieuse. Il voit enfin surtout du cynisme.

Pour lui, à être trop ambitieux et à proposer des chiffres basés sur la bonne volonté, soit potentiellement inatteignables, ce plan peut perdre les suiveurs de base du parti et en plus peut faire fuir les clientèles électorales cibles, comme les jeunes, si ces dernières ont l’impression de se faire berner. 

Vient alors une mise en garde de la part de M. Lamoureux et de M. Rousseau: si le cynisme peut potentiellement capter l’attention ou faire gagner temporairement des points de sondages et des voix, il est bien plus dangereux en matière d’impopularité et d’échec que tout projet, aussi ambitieux soit-il.

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