Publicité
L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Projet de loi 31: encore trop peu en matière d’habitation

Joël Lemay / Agence QMI
Partager

David Searle, Avocat et chargé de cours à l’Université du Québec à Montréal

2023-06-19T04:00:00Z
Partager

La crise du logement ne fait plus débat au Québec. Elle affecte les Québécois moyens et punit disproportionnellement les gens les plus vulnérables. Décidément, le dépôt du projet de loi 31 de la ministre France-Élaine Duranceau ne réussira pas à pallier la crise.  

Par contre, les mesures proposées présentent néanmoins des avantages et des inconvénients tant pour les locateurs que pour les locataires. Parmi celles-ci, voici les plus marquantes:  

Avantages

D’une part, les locataires auront davantage de protections si leur locateur demande la fin de leur bail afin de subdiviser le logement, l’agrandir substantiellement ou en changer l’affectation – ce que l’on appelle en droit l’éviction. Non seulement ils auront moins de chances de se faire prendre par surprise, car leur silence équivaudra dorénavant à un refus, mais ils toucheront aussi à une compensation nettement plus importante devant le Tribunal administratif du logement (TAL) si l’éviction est accordée. 

D’autre part, les locateurs pourront dorénavant refuser n’importe quel transfert de bail (ou «cession» en langage juridique) d’un locataire. Un refus non justifié de leur part mettra alors fin au bail. Cette réforme risque de plaire grandement aux locateurs qui honnissent les cessions de bail et ne se verront plus imposer un nouveau locataire qui n’est pas de leur choix, et ce, au même loyer. 

Publicité

Finalement, tant les locataires que les locateurs se verront à l’avenir accorder le droit d’être représenté devant le TAL par n’importe quel tiers, sauf exception. Comités logements et gestionnaires de plusieurs immeubles pourront dorénavant soutenir des locataires et locateurs devant ce forum, à moindres frais que ce que proposent les membres du Barreau. Alors qu’environ 4 personnes sur 5 ne sont pas représentées par avocats devant le TAL, cette mesure présente plusieurs avantages. 

Réformes insuffisantes

Bien que ces réformes puissent se justifier, nous devons quand même conclure qu’elles sont totalement insuffisantes relativement à l’ampleur de la crise, et soulèvent bien des inquiétudes. 

Trouver un logement peut relever du parcours du combattant, particulièrement pour les jeunes familles et les personnes racisées. La cession de bail représente pour eux un moyen efficace pour limiter le droit de refus du locateur.   

La cession de bail représente également un mécanisme important pour contrecarrer la hausse marquée du loyer après le départ d’un locataire. L’augmentation des loyers s’accélère à Montréal et risque de continuer sur une pente ascendante dans les 3 prochaines années. Le projet de loi ne fera que contribuer à cette tendance.  

De plus, la détérioration du parc immobilier n’est pas du tout adressée, alors que plusieurs voyants sont au rouge. La tragédie du Vieux-Montréal en mars dernier souligne les dangers de laisser des immeubles à l’abandon. La hausse fulgurante des coûts de la construction freine la capacité des locateurs de bonne foi d’effectuer des travaux.  

Malgré tout, il existe des solutions. Tous les intervenants, tous les paliers gouvernementaux, se doivent de s’asseoir ensemble et jouer cartes sur table. Ce projet de loi ne peut constituer qu’un avant-goût d’un chantier majeur en matière d’habitation. 

Photo courtoisie, Louis-Charles Dumais
Photo courtoisie, Louis-Charles Dumais

David Searle, Avocat et chargé de cours à l’Université du Québec à Montréal

Publicité
Publicité