Profilage racial: des chercheurs dénoncent l’ingérence du SPVM dans leur étude
La direction a notamment tenté d’obtenir les entrevues confidentielles de ses policiers lors de l’étude sur le profilage racial
Marc Sandreschi
Des chercheurs dénoncent l’ingérence et les tentatives du SPVM d’encadrer l’étude qu’ils ont menée sur le racisme et sur la politique d’interpellation au sein du corps policier.
• À lire aussi: Profilage racial au SPVM: le chef Fady Dagher prévoit une nouvelle politique sur les interpellations policières pour cet automne
Un an après la publication du deuxième rapport sur les interpellations policières et sur le profilage racial au sein du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), le dossier a récemment refait surface à la Commission de la sécurité publique de la Ville de Montréal (voir autre texte).
Le rapport établissait que les Autochtones, les Noirs et les Arabes étaient beaucoup plus susceptibles d’être interpellés par la police que les Blancs, une situation qui s’était aggravée depuis la première étude effectuée 4 ans plus tôt.
Le chef du SPVM, Fady Dagher, avait d’ailleurs refusé d’imposer un moratoire sur les interpellations.
Face à un mandat difficile avec la direction du SPVM, les chercheurs lui reprochent notamment d’avoir tenté d’obtenir le verbatim d’entrevues confidentielles qu’ils avaient effectuées auprès de certains policiers.
«Je n’ai jamais vu ça de toute ma carrière», affirme Massimiliano Mulone, l’un des chercheurs, professeur agrégé à l'École de criminologie de l'Université de Montréal qui a effectué plusieurs études auprès de divers services de police depuis 20 ans.
- Écoutez l'entrevue avec Stéphane Wall, superviseur retraité du SPVM spécialisé en usage judicieux de la force au micro de Karima Brikh via QUB :
Contrôler les questions
Selon lui, accepter une telle demande aurait pu permettre à la direction d’identifier les policiers qui ont témoigné sur des cas de racisme à l’intérieur des troupes.
Particulièrement inquiétant: la direction s’était pourtant engagée par courriel auprès de son personnel à ce que la participation soit entièrement anonyme.
«Aucune donnée brute ne sera partagée avec qui que ce soit en dehors de l’équipe de chercheurs, que ce soit à l’interne ou à l’externe du SPVM», lit-on dans l’invitation du directeur adjoint Vincent Richer à y participer.
Les chercheurs leur reprochent aussi d’avoir annulé des entrevues ou refusé qu’elles soient faites auprès de partenaires communautaires de la police et d’avoir tenté d’intervenir dans les questions adressées aux policiers.
La conduite de telles entrevues aurait permis à l’équipe de recherche de mieux saisir les effets de la politique sur les interpellations adoptée en 2020 par le SPVM, selon les chercheurs.
La direction n’en voulait pas
«Ils nous ont même demandé d’exclure certaines questions de la grille d’entrevue et mis en doute nos analyses», affirme Victor Armony, chercheur et professeur titulaire de sociologie à l’Université du Québec à Montréal.

Selon nos sources policières, la direction a manqué de respect envers l’équipe de recherche.
«Le SPVM a cherché à miner la crédibilité de leurs analyses, car il ne voulait pas qu’un rapport aussi dévastateur soit déposé sous la direction de Fady Dagher», affirme l’une d’elles, bien au fait du dossier.
En réaction à ces nouvelles informations, le conseiller à la Ville de Montréal et porte-parole de l’opposition officielle en matière de sécurité publique, Abdelhaq Sari, s’interroge sérieusement sur l’indépendance qui a été accordée à l’équipe.

«Elle est remise en question lorsque le bailleur de fonds est lui-même l’objet de la recherche», soutient-il.
Le SPVM ne commente pas
De son côté, le SPVM indique ne pas pouvoir commenter, car la Ville de Montréal est actuellement poursuivie par la Ligue des noirs concernant le profilage racial.
Plusieurs exemples d'ingérence
- «Le SPVM n’a pas apprécié nos questions sur le racisme dans la police ainsi que certaines réponses obtenues»
- «Ils nous ont demandé de changer les modalités du rapport final»
- «Ils nous ont demandé à ce que les analyses des entrevues soient publiées dans un document complémentaire et non pas dans le rapport final»
- «Ils nous ont convoqués pour discuter de nos interventions publiques sur le profilage racial»
- «Ils ont attaqué la pertinence et la validité de certaines de nos analyses»
Sources: citations provenant des entrevues auprès des chercheurs Victor Armony et Massimiliano Mulone.
Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?
Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.