Procès secret: la Cour d’appel sommée d’agir
Michael Nguyen | Journal de Montréal
Un procès tellement secret que le public ignore même le nom du juge, des procureurs, et même le lieu où il s’est tenu ne devrait jamais survenir, ont plaidé les avocats des médias en demandant à la Cour d’appel de dévoiler les détails d’une affaire qui s’est tenue à l’abri des regards.
« Un procès secret, c’est une aberration, il y eu exagération. On ignore l’identité du juge, des procureurs... Ce n’est pas susceptible de favoriser la confiance du public envers le système de justice », a lancé Me Christian Leblanc, ce lundi devant le plus haut tribunal du Québec.
Devant lui se trouvaient trois juges de la Cour d’appel qui avaient révélé en mars dernier l’existence d’un « procès fantôme » dans une décision lourdement caviardée. On y apprenait qu’un indicateur de police avait été accusé pour un crime, qu’il avait été déclaré coupable, mais qu’il a été en appel. Il a finalement ordonné l’arrêt des procédures.
Aucune trace
Or, mis à part ces bribes d’information, le public ne sait rien d’autre, malgré le principe fondamental de la publicité des débats. Le but de ce « huis clos complet et total » était de protéger l’identité de l’informateur de police.
« En somme, aucune trace de ce procès n’existe, sauf dans la mémoire des individus impliqués », peut-on lire dans le document de cour.
À la suite de cette décision, des voix se sont levées pour dénoncer cette affaire qui s’est tenue dans le plus grand des secrets.
« En 25 ans, je n’ai jamais vu ça, un procès qui ferait l’objet d’un huis clos absolu ne devrait jamais exister, nous voulons avoir accès au dossier », a plaidé Me Leblanc en affirmant qu’il y avait des moyens moins extrêmes de protéger l’identité d’un indicateur de police.
Confiance du public
De son côté, le procureur général du Québec a également demandé que soient dévoilés des détails de cette affaire. Un avocat représentant l’État s’est même dit surpris de n’avoir jamais été mis au courant d’une demande en arrêt des procédures dans cette affaire, tel que le veut l’usage.
« La création d’un dossier, la tenue d’un procès et la conservation d’un dossier, ce n’est pas une option, il faut conserver une trace », a plaidé l’avocat en rappelant l’importance de « favoriser la confiance du public envers le système ».
La juge en chef de la Cour du Québec a pour sa part dépêché un avocat afin de demander d’avoir accès aux informations concernant ce procès secret.
Après avoir entendu tous ces arguments, la Cour d’appel a ensuite tenu une audience pour des plaidoiries à huis clos, qui impliquaient un avocat représentant l’indicateur de police, ainsi que l’avocat de la juge en chef de la Cour du Québec.
Juste après, la Cour d’appel a annoncé avoir pris sa décision en délibéré.
« [L’audience de ce lundi] alimentera nos réflexions », a assuré la juge Marie-France Bich avant de mettre fin à l’audience.