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L'article provient de Le Journal de Montréal
Justice et faits divers

Une ex-médecin de Laval acquittée de l’homicide involontaire d’un patient de 84 ans

Le juge Marc-André Dagenais a taxé la Couronne d’avoir «une vision simpliste, réductrice ou même idéologique de la notion de consentement aux soins»

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Photo portrait de Laurent Lavoie

Laurent Lavoie

2025-02-18T19:30:36Z
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Il faut se garder de criminaliser les médecins cherchant à appliquer à la lettre les soins auxquels leurs patients ont consentis, a insisté un juge avant d’acquitter une ex-anesthésiologiste de Laval de l’homicide involontaire d’un homme de 84 ans.

La Couronne a adopté «une vision simpliste, réductrice ou même idéologique de la notion de consentement aux soins», a tranché le juge Marc-André Dagenais, dans le dossier d’Isabelle Desormeau mardi, au palais de justice de Laval.

La femme de 54 ans avait assuré qu’elle avait agi dans les règles de l’art à l’endroit de Raymond Bissonnette, à l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé, à Laval, aux petites heures du 1er novembre 2019.

Et le juge Dagenais l’a crue «sans réserve», lui qui a rejeté la version de plusieurs témoins qui ont pris la barre pour la poursuite.

Isabelle Desormeau semblait particulièrement émotive après son acquittement au palais de justice de Laval.
Isabelle Desormeau semblait particulièrement émotive après son acquittement au palais de justice de Laval. Photo MARTIN ALARIE

À son avis, l’accusée avait cherché le confort de M. Bissonnette pour respecter «sa dignité et des volontés qu’il avait clairement exprimées».

L’octogénaire s’était présenté à l’urgence pour des maux de ventre la veille de son décès, conscient qu’il était gravement malade.

En salle d’opération, le Dr Hubert Veilleux avait découvert de la nécrose sur son intestin grêle. Cela a mis un terme aux procédures chirurgicales, comme l’aîné ne voulait pas d’«acharnement».

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Il ne lui restait que «quelques heures, d’une à deux journées maximum», avait indiqué le chirurgien à la cour.

Soins de confort

La nièce de Raymond Bissonnette avait ensuite été informée de la situation. Comme il était très tôt le matin, celle qui s’apprêtait à assister aux funérailles de son père ne voyait pas l’«urgence» d’aller à l’hôpital.

Le déroulement des minutes qui ont suivi a été au cœur du procès. Le plan initial consistait à transférer Raymond Bissonnette aux soins intensifs.

L’Hôpital de la Cité-de-la-Santé de Laval
L’Hôpital de la Cité-de-la-Santé de Laval Photo d'archives

Or, l’affaire a pris une autre tournure après un appel de l’accusée auprès de l’intensiviste de garde, le Dr Joseph Dahine, pour discuter de l’état de santé de l’octogénaire.

Selon le tribunal, «le Dr Dahine a clairement fait comprendre à Mme Desormeau que M. Bissonnette n’était plus admis sur son unité et qu’il s’attendait à ce qu’elle prenne en charge les soins de confort décrétés par le Dr Veilleux en salle d’opération».

Récit teinté

L’accusée aurait alors retiré l’assistance respiratoire de M. Bissonnette et lui aurait administré un «cocktail» de médicaments contenant du fentanyl, du midazolam et du propofol.

«On peut l’envoyer directement à la morgue», aurait-elle dit, avant d’indiquer que la fille du patient avait un handicap mental, donc qu’il n’avait «pas de famille».

Me Nadine Touma, en compagnie de sa cliente, Isabelle Desormeau
Me Nadine Touma, en compagnie de sa cliente, Isabelle Desormeau Photo MARTIN ALARIE

Consternées, des collègues avaient confronté Desormeau dans la salle d’opération.

Leur récit devant audience était toutefois «fortement teinté par leur regard rétrospectif de l’ensemble de la situation», estime le tribunal.

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Pour le juge Dagenais, la poursuite voulait démontrer que «face à la mort et à l’inconfort qu’elle peut engendrer», l’autonomie du patient avait été amenuisée par crainte qu’il ne change soudainement d’idée.

Or, prôner «la vie à tout prix» entraîne plutôt le risque de criminaliser les médecins qui refusent d’aller «à l’encontre de la dignité humaine et du droit à l’autodétermination dont nous bénéficions tous», a-t-il asséné.

CE QU’ILS ONT DIT

  • «Ce jugement est une victoire pour tous les médecins qui œuvrent en soins critiques, qui sont bienveillants, qui sont compétents et qui respectent la volonté de leur patient. En fait, aujourd’hui, ce sont les patients qui sont gagnants.» – Isabelle Desormeau, après son acquittement;
  • «La réalité, c’est que c’est ce dont le patient avait besoin à ce moment-là. Il ne faut pas non plus que le lieu détermine la qualité de soins ou du respect.» – Me Nadine Touma, avocate d’Isabelle Desormeau;
  • «Évidemment, on n’est pas en accord avec plusieurs des mentions qui sont faites. On respecte le jugement qui a été rendu, maintenant, on va l’analyser en détail.» – Me Alexis Marcotte-Bélanger, procureur de la Couronne;
  • «L’idéologie mettant de l’avant “la vie à tout prix”, au détriment de ce droit inaliénable [l’autonomie du patient], ne peut servir d’assise à une condamnation criminelle, du moins dans les présentes circonstances.» – Extrait du jugement du juge Marc-André Dagenais.
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