Procès pour homicide involontaire: une ex-médecin a «euthanasié» un patient de 84 ans, plaide la Couronne
Isabelle Desormeau affrontera la justice pendant 4 semaines


Laurent Lavoie
Une ex-anesthésiologiste de Laval aurait «euthanasié» un octogénaire en fin de vie malgré le malaise et la consternation de ses collègues, sous prétexte que l’aîné n’aurait pas de famille à son chevet.
«En peu de mots, [Raymond] Bissonnette a été euthanasié», a résumé d’emblée lundi le procureur de la Couronne Alexis Marcotte Bélanger, au palais de justice de Saint-Jérôme.
Il a tracé les grandes lignes de la stratégie de la poursuite qui cherchera à prouver qu’Isabelle Desormeau est coupable de l’homicide involontaire de Raymond Bissonnette.
L’ex-médecin verra ainsi défiler pendant les quatre semaines de son procès, devant le juge Marc-André Dagenais, plusieurs anciens collègues, témoins et experts.
«La preuve sera faite qu’aucun consentement aux soins fournis par Mme Desormeau [...] n’a été donné», a ajouté Me Marcotte Bélanger.
Deux premières témoins ont offert une incursion dans les circonstances troublantes qui auraient mené à la mort de la victime de 84 ans, à l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé, à Laval, le 1er novembre 2019.

La veille, M. Bissonnette s’était présenté à l’urgence pour des maux de ventre.
En salle d’opération, le chirurgien a découvert de la nécrose sur son intestin grêle, confirmant que son état était grave.
Il a appelé la nièce du patient et ils ont convenu de refermer la paroi abdominale et d’offrir des soins palliatifs, comme le souhaitait son oncle.

La tension monte
Devant ce dénouement, Desormeau, qui pratiquait depuis l’an 2000, a indiqué à un responsable, au téléphone, que M. Bissonnette n’irait finalement pas aux soins intensifs comme prévu avant l'opération, a témoigné Pamela Lemieux, une inhalothérapeute.
«À la fin de la conversation, elle dit qu’elle va injecter ce qu’il faut et que le patient va décéder», a-t-elle mentionné.
Et plutôt que de trouver une autre chambre pour les derniers moments de vie de la victime, l’anesthésiologiste voulait plutôt l'envoyer directement à la morgue, en raison de sa mort imminente.

«C’est là que ma collègue s’est emportée un peu [en disant]: “Ben non, on ne peut faire ça, ce n’est pas la procédure”», a décrit l’infirmière Maïa Joly.
L’accusée de 53 ans aurait aussi rejeté l’idée que M. Bissonnette avait une famille et «que sa fille est déficiente, [alors] ça ne changerait rien», selon Pamela Lemieux.
Mal à l’aise
Elle aurait ensuite administré du midazolam, du propofol et du fentanyl à M. Bissonnette.
«Une anesthésiologiste d’une aussi grande expérience savait que les soins fournis à partir de 4h45 provoqueraient la mort du patient», a plaidé Me Alexis Marcotte Bélanger, qui fait équipe avec Me Karine Dalphond.
La médecin aurait également retiré l’assistance respiratoire de M. Bissonnette.
«Je lui signifie que le patient ne respire pas. Elle me dit que ce n’est pas grave, le patient va décéder», a relaté Pamela Lemieux, alors «très mal à l’aise».
Environ 15 à 20 minutes plus tard, M. Bissonnette était mort.
Isabelle Desormeau a démissionné de son poste à l’hôpital peu de temps après les évènements.
Les avocates de l’accusée assurent que la condition de M. Bissonnette allait «irrémédiablement mener à son décès».
«L’octroi de ces soins palliatifs a été fait de manière conforme», a souligné Me Nadine Touma.
CE QU’ILS ONT DIT...
- «Le comportement reproché à l’accusée est d’avoir précipité la mort de la victime» – Alexis Marcotte Bélanger, procureur de la Couronne
- «Ça aurait dû être sa fille ou sa nièce qui soit présente, et non moi et les autres personnes dans la salle» – Pamela Lemieux, inhalothérapeute
- «[Au moment du décès], je suis sous le choc, un peu traumatisée, c’est une situation vraiment inhabituelle. En fait, c’est quelque chose qu’on n'avait jamais vécu avant» – Maïa Joly, infirmière
- «Ça va être vite fini, on peut l’envoyer directement à la morgue» – propos allégués d’Isabelle Desormeau, selon Maïa Joly
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