Procès d’une ex-médecin pour homicide involontaire: un patient «euthanasié» ou des souffrances correctement apaisées?
Le tribunal doit trancher sur cette épineuse question, maintenant que les parties ont présenté leurs arguments finaux


Laurent Lavoie
Est-ce qu’une ex-anesthésiologiste de Laval a correctement apaisé les souffrances d’un patient ou elle a hâté sa mort? Le tribunal doit trancher sur cette épineuse question, maintenant que la Couronne et la défense ont présenté leurs arguments finaux.
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L’ex-médecin Isabelle Desormeau subit depuis cet automne un procès pour l’homicide involontaire de Raymond Bissonnette, à l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé, à Laval, le 1er novembre 2019.
Les parties ont formellement déposé lundi, par écrit, leurs plaidoiries au juge Marc-André Dagenais, qui doit rendre un verdict.
«Il n’appartenait pas à l’accusée de décider du moment et du comment de la mort de M. Bissonnette. L’autonomie décisionnelle de celui-ci a été bafouée et l’inviolabilité de sa personne transgressée», estime la Couronne, qui croit que l’homme de 84 ans a été «euthanasié».

Desormeau jure, de son côté, qu’elle «avait pour objectif de lui fournir des soins palliatifs de qualité afin d’éviter qu’il ne souffre et de respecter son consentement aux soins alors qu’il était artificiellement maintenu en vie [...]».
Pas d’acharnement
Tout a commencé la veille du décès de M. Bissonnette, quand ce dernier s’était présenté à l’urgence pour des maux de ventre.
En salle d’opération, le Dr Hubert Veilleux a découvert de la nécrose sur son intestin grêle. Cela a mis un terme aux procédures chirurgicales, comme l’aîné ne voulait pas d’«acharnement».
La nièce de Raymond Bissonnette a ensuite été informée de l’état de santé de l’octogénaire. Il s’agissait de sa personne-ressource comme la fille de la victime a un handicap intellectuel.

«Ce patient-là allait décéder. On parlait, du moins à ma connaissance [...], de quelques heures, d’une à deux journées maximum», avait indiqué à la cour le Dr Veilleux.
Le plan initial consistait à transférer Raymond Bissonnette aux soins intensifs. Or, lors d’un appel avec l’accusée, l’intensiviste de garde aurait compris que «le processus vers la mort était débuté et serait rapidement achevé», indique la Couronne.
Les avocates de Desormeau répliquent que le transfert de M. Bissonnette a plutôt été refusé par l’intensiviste.
Mort naturelle?
Le comportement de l’accusée a ensuite choqué des collègues dans la salle d’opération.
Elle aurait retiré l’assistance respiratoire de M. Bissonnette et lui aurait administré un «cocktail» de médicaments contenant du fentanyl, du midazolam et du propofol.
«Ça va être vite fini, on peut l’envoyer directement à la morgue», aurait dit l’accusée.
Selon une infirmière, la femme de 54 ans a jugé que le patient «a une fille inapte, donc [il n’a] pas de famille».
Il reste à déterminer si Desormeau a une responsabilité criminelle dans les circonstances du décès.
Aux yeux de la défense, la nécrose à l’intestin grêle du patient explique le décès de l’octogénaire et l’intervention de l’accusée était de «nature thérapeutique».
«N’eût été le retrait non consenti du ventilateur, M. Bissonnette ne serait pas mort par asphyxie au bloc opératoire à 5h04», estime la poursuite.
Le juge Dagenais entend rendre une décision en février.
Mes Karine Dalphond et Alexis Marcotte Bélanger représentent le ministère public. Mes Nadine Touma et Stéphanie Lozeau défendent l’ex-médecin.
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