Procès Équipe Canada junior: les 5 hockeyeurs acquittés d’agression sexuelle

Erika Aubin
Les cinq anciens joueurs d’Équipe Canada junior accusés d’agression sexuelle sur une jeune femme à London en 2018 ont tous été acquittés par une juge ontarienne, qui a discrédité avec des mots très durs le témoignage de la plaignante.
«Je ne trouve pas la preuve fournie par E.M. [la plaignante] crédible ou fiable.» La juge Maria Carroccia a donné le ton dès le début de la lecture de son jugement, qui a duré plus de quatre heures au palais de justice de London.
Les hockeyeurs Michael McLeod, Carter Hart, Alex Formenton, Cal Foote et Dillon Dubé ont été acquittés, chacun son tour, d’avoir agressé sexuellement une femme âgée de 20 ans dans une chambre d’hôtel au terme d’une soirée arrosée de juin 2018.
Les joueurs se trouvaient à London en marge d’un gala organisé pour souligner leur victoire au Championnat mondial de hockey junior, quelques mois auparavant.

Pas le choix
Le consentement de la plaignante a été au cœur de ce procès hautement médiatisé et tumultueux, qui a duré deux mois. Elle disait s’être sentie terrorisée et emprisonnée et avoir agi en mode «autopilote» dans la chambre alors qu’elle était fortement intoxiquée par l’alcool.
Au procès, la jeune femme a expliqué qu’elle avait adopté une «attitude de pornstar» pour passer au travers, mais que personne ne l’avait forcée physiquement. Le nombre d’hommes présents et l’atmosphère dans la chambre lui avaient donné l’impression qu’elle n’avait pas d’autre choix.

La juge Carroccia a longuement passé en revue son témoignage, en soulignant au fur et à mesure de nombreuses incohérences entre les versions données à la police, à Hockey Canada et lors du procès.
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Par exemple, elle a noté qu’E.M. avait témoigné s’être sentie effrayée et anxieuse, mais qu’elle n’avait jamais mentionné cette peur lors des trois interrogatoires de police.

La juge est aussi revenue sur des vidéos de consentement filmées par McLeod au petit matin. «Le comportement qu’elle affiche [...] ne montre pas qu’elle semblait avoir peur. Cela est particulièrement significatif, car de son propre aveu, elle ne savait pas qu’elle était filmée, elle n’agissait donc pas pour la caméra», a-t-elle noté.
Au bout du compte, la juge n’a pas du tout cru que son consentement avait été vicié par la peur.
Exagérations
Selon la magistrate, la plaignante a carrément «exagéré son niveau d’intoxication». Une partie de son témoignage était faux sur ce point, a-t-elle conclu en établissant des comparaisons avec des vidéos où on la voit commander au bar sans difficulté, marcher et danser en talons hauts ou encore sortir d’un taxi sans tituber.

Surtout, le tribunal a cru les témoins ayant raconté au procès que c’était plutôt la jeune femme qui suppliait les hommes d’avoir des relations sexuelles.
Selon la Couronne, les hockeyeurs avaient comploté pour arrimer cette version commune. Mais ce n’est pas ce que démontraient les discussions de groupe des joueurs qui ont suivi la soirée en question, estime la magistrate.
Lors d’une mêlée de presse, la Couronne a dit qu’elle «examinera attentivement» la décision, mais n’a pas voulu faire d’autres commentaires, «car cette affaire est toujours en période d’appel».

Des manifestants venus soutenir la plaignante, qui assistait à l’audience à distance, ont ensuite vigoureusement applaudi devant le palais de justice.
De leur côté, les cinq joueurs acquittés ne se sont pas adressés aux médias. Ceux-ci font toujours l’objet d’une enquête par un comité indépendant de Hockey Canada et demeurent suspendus de «toute participation aux programmes sanctions par l’organisation».
CE QU’ILS ONT DIT
«À un moment, elle a choisi de marcher dans une chambre remplie d’hommes alors qu’elle est nue. Personne ne lui a dit de faire ça. [...] Personne ne la menace ou ne la force. Elle ne fait aucun effort pour quitter la pièce.» – la juge Maria Carroccia
«J’en conclus qu’E.M. demandait aux hommes présents dans la pièce d’avoir des relations sexuelles avec elle, et elle semblait contrariée lorsqu’ils refusaient.» – la juge Maria Carroccia
La plaignante «est manifestement très déçue du verdict et très déçue de l’évaluation du tribunal concernant son honnêteté et sa fiabilité. Elle n’a vraiment jamais connu auparavant une telle situation où elle n’était pas crue comme cela.» – Karen Bellehumeur, avocate de la plaignante E.M.
«Jusqu’au procès, le discours public sur cet événement était partial et non vérifié. La Couronne n’avait pas à porter cette affaire devant les tribunaux. [...] La Couronne a imposé un procès pénible et injuste au détriment de [Carter] Hart, de ses coaccusés, de la plaignante et du public canadien.» – Megan Savard, avocate de Carter Hart