Procès des ex-joueurs d’Équipe Canada junior: la défense accuse la victime alléguée de «renforcer un narratif»


Antoine Lacroix
Une avocate de la défense pour l’un des cinq ex-joueurs d’Équipe Canada junior 2018 a accusé la victime alléguée de «renforcer» son narratif comme quoi elle était fortement intoxiquée par l’alcool.
«Vous savez que vous ne pouvez absolument pas abandonner ce récit maintenant, après l’avoir entretenu pendant sept ans», a soutenu Julianna Greenspan, qui défend Cal Foote, selon CBC.
La plaignante en est maintenant à son huitième jour à la barre, dont sept à se faire talonner de questions par les avocats de la défense. Ces derniers ont pratiquement remis en doute chaque élément de la version des faits de la victime alléguée.
En raison d’un interdit de publication pour protéger son identité, on ne peut que désigner celle-ci sous les initiales d’E.M.
Elle avait 20 ans au moment des faits reprochés aux cinq joueurs accusés d’agression sexuelle, Carter Hart, Michael McLeod, Dillon Dubé, Alex Formenton et Cal Foote. L’événement serait survenu à London, en juin 2018, à l’occasion du triomphe quelques mois plus tôt de l’équipe canadienne au championnat mondial.
«Renforcer un narratif»
Selon Me Greenspan, la victime alléguée a «renforcé un narratif» selon lequel elle était vraiment ivre la nuit des événements allégués, car ses proches, son copain et ses amis n’auraient pas accepté son comportement si elle avait été sobre.
Elle lui a reproché d’avoir mentionné pour la première fois au procès qu’elle n’avait pas mangé ce soir-là avant d’aller au bar.
«Ce n’était pas un récit. J’étais ivre. Je buvais au bar. Nous l’avons tous vu», a soutenu E.M., citée par CBC.
«C’est juste une chose de plus que vous avez ajoutée et inventée pour renforcer l’idée que vous étiez ivre ce soir-là», a affirmé Me Greenspan.
«Non. Je l’ai ajoutée parce que je veux vous donner tous les détails», a répondu la jeune femme.
Des hommes ou des garçons?
Mardi, Me Greenspan a aussi confronté E.M. sur la différence entre le mot «garçon» et le mot «homme».
Dans ses premières déclarations aux policiers, la victime alléguée utilisait le mot «garçons» (boys) pour désigner les athlètes. Or, depuis le début du procès, elle emploie le terme «hommes» (men).
«Vous avez spécifiquement refusé d’utiliser le terme “garçon” durant ce procès?» a-t-elle demandé, suggérant qu’il s’agissait d’une décision «prise en toute conscience».
«Je ne suis pas confortable de dire qu’ils étaient des garçons, ils étaient des hommes. [...] Ce n’est pas parce que je les ai appelés des garçons que cela change le fait que leur âge fait d’eux des hommes», a répliqué la jeune femme, précisant qu’elle pense avoir «pris de la maturité» avec le temps.
«La raison aujourd’hui que vous avez fait très attention pour changer votre vocabulaire, c’est que vous êtes arrivée dans ce procès avec un agenda clair», a aussi suggéré Me Greenspan avec véhémence.
«Non, absolument pas. Je suis maintenant plus vieille et je comprends mieux, ils étaient des hommes», a-t-elle rétorqué.
Un «party trick»
Dans sa déclaration d’ouverture, la Couronne avait mentionné que Cal Foote aurait fait le grand écart sur le visage de la victime, sans son consentement, pour ensuite y frotter ses parties génitales, alors que la jeune femme se trouvait au sol.
Pendant le procès, Julianna Greenspan, l’avocate de Foote, avait questionné l’un des témoins, Taylor Raddysh, au sujet de la capacité de son client à faire la «split».
«C’est quelque chose qu’il fait, sa marque de commerce. On lui demande de faire le grand écart et il le fait?» a-t-elle demandé, le 2 mai dernier.
«C’est vraiment génial et incroyable que M. Foote puisse faire le grand écart à tout moment», a ironisé Me Greenspan.
Raddysh, qui est maintenant attaquant pour les Capitals de Washington, a confirmé avoir été témoin que Foote est capable de faire le grand écart, ce que l’avocate a qualifié de «party trick».
«Ce n’était pas drôle pour moi. Ils riaient tous et trouvaient ça hilarant. Moi, je ne trouvais pas ça drôle, a témoigné de son côté E.M., mardi, citée par CBC. Ils s’amusaient à mes dépens.»
L'avocate de la défense a toutefois suggéré qu’elle encourageait le tout.
«Vous agissiez comme si c’était amusant (all fun and games) aussi», a-t-elle affirmé.
«Ce n’est pas quelque chose que j’ai demandé, a rétorqué la victime alléguée. Je n’ai eu aucun avertissement avant que ça m’arrive. Non.»
La victime alléguée doit revenir mercredi au palais de justice de London, en Ontario, afin d’être réinterrogée par la Couronne, à la lumière des questions posées par la défense.
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