Procès des ex-joueurs d’Équipe Canada junior: «Plein d’athlètes professionnels» enregistrent des femmes pour s’assurer qu’elles consentent, a soutenu Carter Hart en contre-interrogatoire


Antoine Lacroix
Il n’y a rien d’anormal pour un athlète dans le fait de filmer une partenaire donnant son consentement, a estimé le gardien Carter Hart, alors qu’il était contre-interrogé à son procès et celui de ses quatre coéquipiers d’Équipe Canada junior 2018 accusés d’agressions sexuelles.
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«Seriez-vous d’accord avec moi, logiquement parlant, que vous ne penseriez à enregistrer une vidéo de consentement que s’il y avait une possibilité dans votre esprit que la personne puisse plus tard dire qu’elle n’était pas consentante?» a avancé la procureure de la Couronne Meaghan Cunningham.
Elle faisait référence à deux vidéos tournées par Michael McLeod après la plupart des faits allégués dans lesquelles on entend les hockeyeurs lui demander si elle est consentante et si elle est «correcte» avec ce qui se passe.
«Non. [...] Il y a plein d’athlètes professionnels qui ont fait ça avant», a soutenu Hart.
«Mais je parle de vous spécifiquement. Dans quelles circonstances ça aurait du sens pour vous d’enregistrer une vidéo de consentement?» a-t-elle rétorqué.
«Je ne suis pas certain», a laissé tomber Hart, l’air de comprendre le point que venait de marquer l’avocate.
«Êtes-vous d’accord avec moi que, si quelqu’un est littéralement en train de supplier pour quelque chose, ça n’a pas de sens d’être inquiet qu’elle puisse plus tard dire qu’elle ne consentait pas?» a insisté Me Cunningham.
«Je n’étais pas inquiet, non», s’est-il contenté de dire.
Bombardé de questions
Vendredi, Carter Hart s’est fait bombarder de questions quant à ses «trous de mémoire» et de possibles contradictions dans son témoignage.
Il a notamment indiqué se rappeler avoir reçu une seule fellation de la part de la victime alléguée, alors que d’anciens coéquipiers ont témoigné que c’était arrivé à deux reprises.
«Vous avez passé plus de temps dans cette pièce à faire des choses dont vous n’avez aucun souvenir qu’à faire des choses dont vous avez souvenir», a suggéré Cunningham.
«Je n’en suis pas sûr», a indiqué le gardien, l’air hésitant pour la première fois.
Pour la grande majorité de son témoignage, Hart est apparu calme et stoïque en répondant aux suggestions de la Couronne, ne semblant pas stressé le moins du monde.
L’athlète, âgé aujourd’hui de 26 ans, qui témoigne pour sa défense et celle de McLeod, Dillon Dubé, Alex Formenton et Cal Foote, a avoué qu’il était pas mal intoxiqué par l’alcool le soir des événements allégués, en juin 2018, à London et qu’il trouvait l’ambiance «malaisante».
Il a avoué ne pas être capable de se rappeler s’il était dans la chambre d’hôtel lorsque McLeod a filmé l’une des vidéos de consentement, dans laquelle on entend plusieurs joueurs en arrière-plan.
Or, la procureure de la Couronne a fait rejouer la séquence devant Hart, et il a avoué qu’on peut reconnaître sa voix disant: «Je vais rejoindre Fabbs!» Il faisait alors référence à Dante Fabbro, un de ses coéquipiers.
«Je vous suggère que vous n’essayerez pas d’inviter quelqu’un dans la chambre pour vivre quelque chose de malaisant et inconfortable, a-t-elle ajouté. Je vous suggère de ne pas essayer de le faire venir si vous ne trouvez pas ça amusant et excitant.»
Malgré ses problèmes de mémoire, il a assuré que «jamais» les choses ne sont devenues «hors de contrôle» avec la jeune femme et que personne n’avait commis de gestes dégradants à son endroit.
Pas de consentement verbal
Il a reconnu n’avoir eu aucune interaction avec la victime alléguée, au point qu’il ne connaissait même pas son nom. Elle est désignée sous les initiales d’E. M., alors que son identité est protégée par un interdit de publication.
«C’était votre croyance en entrant dans la chambre qu’elle voulait se livrer à des actes sexuels [...], mais cela n’avait rien à voir avec ce qu’elle avait dit ou fait», a demandé Me Cunningham.
«C’est exact», a simplement confirmé l’accusé.
«Vous n’avez aucun souvenir de lui avoir demandé quoi que ce soit [en entrant dans la chambre]», a lancé l’avocate.
«Non», a-t-il répondu d’un ton assuré.
Un texto pour un «plan à trois»
La Couronne est aussi revenue sur un texto envoyé dans une conversation de groupe par McLeod invitant toute l’équipe dans sa chambre pour un «plan à trois rapide» vers 2h du matin.
«Je suis partant», a écrit Hart une dizaine de minutes plus tard.

Malgré le fait que le message ne lui a pas été envoyé personnellement, l’ex-gardien de but a indiqué qu’il pensait que l’offre lui était destinée, et non à tous les joueurs, puisqu’il était le seul à avoir répondu.
«J’ai assumé que c’était un plan qui était entendu entre lui et la fille, a indiqué Hart. Normalement, la plupart des gens n’enverraient pas ce genre de message si une personne n’est pas d’accord avec ce plan.»
«Mais ce message ne dit pas qu’une femme est d’accord avec un plan à trois», a rétorqué Me Cunningham.
«Non, en effet», a avoué Hart.
Il a ensuite reconnu qu’il était «partant», malgré le fait qu’il ne connaissait rien du tout au sujet de la «mystérieuse femme» qui était dans la chambre.
Prêt à mentir?
Quelques jours après les événements allégués, une autre conversation de groupe a été créée, parce que Hockey Canada avait annoncé aux joueurs qu’une enquête avait été ouverte pour faire la lumière sur les événements.
Plusieurs ont affirmé dans le fil de discussion qu’il n’y avait aucun problème, car ils avaient obtenu le «consentement» de la victime alléguée.
«Logiquement parlant, il n’y a pas de besoin de rappeler aux gens de dire la vérité par rapport au consentement, si le consentement était bel et bien vrai», a demandé la procureure de la Couronne.
«Il y avait plein de gars à différents moments dans la pièce, alors peut-être que certains n’étaient pas au courant de tout ce qui s’est passé», a-t-il justifié.
Il est aussi question d’un haut placé de l’organisation qui demandait de parler aux hockeyeurs un à un.
«[Il] veut que je l’appelle, est-ce que je devrais? Qu’est-ce que je lui dis? a notamment écrit Hart à ses coéquipiers présents dans la chambre. Qu’est-ce que vous lui avez dit?»
«Vous étiez prêt à ne pas dire la vérité si vous pensiez que ça pourrait vous aider à ne pas être dans le trouble?» a avancé la procureure.
«Non», a dit Hart.
«Alors pourquoi vous demandez aux autres [quoi dire] si vous étiez pour lui dire la vérité?» lui a-t-elle répondu.
«Je n’étais pas pour mentir, je voulais seulement avoir une clarification pour savoir quoi lui dire», a-t-il esquivé.
Les avocats de Hart ont annoncé avoir clos leur preuve. Ceux de Formenton n’ont pas encore indiqué si celui-ci témoignera lundi.
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