Procès des ex-joueurs d’Équipe Canada junior: la victime alléguée a demandé de passer une «nuit de folie» avec les athlètes, suggère un avocat de la défense


Antoine Lacroix
LONDON | Selon l’un des avocats des ex-joueurs d’Équipe Canada junior 2018 accusés d’agressions sexuelles, c’est la victime alléguée qui aurait demandé que plusieurs coéquipiers se joignent à eux pour vivre une «nuit de folie».
«Je suggère que vous avez dit quelque chose comme: “Ramène ici certains de ces gars. J’ai envie de passer une nuit de folie [wild night].”» a lancé David Humphrey, l’un des avocats de la défense de Michael McLeod, un accusé.

«Ça ne ressemble pas à quelque chose que je dirais, et je ne me rappelle pas avoir dit ça», a soutenu de son côté la jeune femme, qui a amorcé son témoignage vendredi au palais de justice de London pour ce procès suivi par des médias de partout en Amérique du Nord.
Elle avait 20 ans au moment des faits reprochés aux cinq accusés, McLeod, Dillon Dubé, Carter Hart, Alex Formenton et Cal Foote. L’événement serait survenu à London, en juin 2018, à l’occasion du triomphe quelques mois plus tôt de l’équipe canadienne au championnat mondial.
Lundi, elle a raconté la nuit d’horreur qu’elle dit avoir vécue, affirmant avoir été agressée à répétition et avoir eu entre autres l’impression d’être «emprisonnée» dans la chambre d’hôtel du Delta de London.

Celle que l’on ne peut identifier que par les initiales d’E.M. en raison d’une ordonnance de non-publication protégeant son identité subit présentement le premier contre-interrogatoire d’une série de cinq. Chaque accusé possède son équipe légale, qui pourra la questionner à sa guise pour tenter de soulever des contradictions dans sa version des faits.
«Complètement folle»
Me Humphrey a suggéré que c’est la victime alléguée qui a demandé que des joueurs aient des relations sexuelles avec elle.
Elle aurait dit vouloir que la «soirée continue», a-t-il suggéré.
«Vous ne vous rappelez pas avoir dit: “Allez, vous avez une fille ici, quelqu’un doit coucher avec moi, vous êtes une gang de peureux [pussies]”? a-t-il demandé plus tard. Est-ce que c’est pour ça que les gars disaient que vous étiez complètement folle [fucking crazy]?»
«Non, ça ne ressemble pas à la façon dont je parle normalement. Ce n’est pas quelque chose qui sortirait de ma bouche», a répondu E.M., demeurant calme malgré le fait qu’elle était talonnée pour répondre à des insinuations depuis des heures.
«Peut-être que je disais des choses comme ça, je n’ai pas souvenir d’avoir fait ça. Mais ce n’est pas comme ça que j’agirais normalement, a-t-elle ensuite ajouté. Ça prouve mon niveau d’intoxication et comment j’avais perdu la tête. Ils pouvaient voir ça et ils ont quand même fait ce qu’ils ont fait.»
Des athlètes d’élite
La victime alléguée «savait» que Michael McLeod était un athlète d’élite et qu’il était riche, a aussi suggéré son avocat en contre-interrogatoire.
«Vous ne saviez pas qu’ils étaient avec Équipe Canada ou de haut niveau?» a demandé David Humphrey.
«Non, absolument pas. Je ne savais pas ça ce soir-là», a rétorqué E.M.
Juste après, l’avocat lui a rappelé une conversation qu’elle aurait eue avec un membre de l’entourage de l’équipe qui lui aurait fait savoir que McLeod était «plein» d’argent.
«Vous dites que vous ne saviez pas que M. McLeod était un joueur d’élite, que vous ne saviez pas que ses amis étaient probablement en route vers la LNH ou même déjà signés [avec une équipe]?» a questionné Me Humphrey.
«Non, je ne l’ai su que le lendemain, quand ma mère a fait le lien», a répondu la victime alléguée.
«Je vous suggère qu’une partie de ce qui rendait M. McLeod attirant pour vous, c’est qu’il était un joueur de hockey d’élite et qu’il était riche», a insisté l’avocat de la défense.
«Je ne dirais pas que j’y ai vraiment pensé. Je ne retenais pas grand-chose de la conversation de cette nuit-là. Ça n’a rien changé pour moi», a-t-elle indiqué.
Elle «aimait l’attention»
L’avocat de McLeod lui a aussi suggéré que, ce soir-là, contrairement à ce qu’elle a affirmé dans son témoignage, elle «aimait l’attention» qu’elle recevait des joueurs de hockey.
«N’allez-vous pas admettre que ce que l’on voit dans les vidéos [de caméra de surveillance], c’est vous, en train de profiter de l’attention des garçons?» a-t-il soutenu, ajoutant qu’elle avait l’air d’avoir «du plaisir».
«C’était déroutant pour moi, parce que je ne suis pas habituée à ce genre d’attention dans un bar. Ce n’était pas habituel pour moi. Ils donnaient l’impression que tout allait bien, et avec tout ce que j’avais bu, je me suis dit que j’allais suivre le mouvement. Je me suis dit que je devrais peut-être me sentir flattée et ne pas trop remettre ça en question», a répondu E.M.
Cette dernière a aussi eu à justifier sa consommation d’alcool au bar, avant l’agression alléguée. Elle a admis avoir ressenti de la «pression» de la part des jeunes hommes pour continuer à boire.
«Vous acceptez au moins maintenant la responsabilité [d’avoir bu autant]?» a lancé l’avocat, l’air insatisfait.
«Oui, j’en assume la responsabilité. Je ne pense pas que c’était mal», a alors réagi la victime alléguée.
Partir facilement
L’avocat de la défense lui a aussi suggéré que, ce soir-là, elle aurait pu «facilement partir» et que «personne n’a utilisé la force physique» contre elle.
«J’aurais souhaité penser à ça à ce moment-là, a-t-elle avoué. Je me sentais comme si je ne pouvais pas partir, que je n’avais pas d’autres options.»
Le contre-interrogatoire d’E.M. se poursuivra mercredi.
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