Procès des cinq joueurs d’Équipe Canada junior 2018: on connaîtra la décision de la juge ce matin
Antoine Lacroix et Kevin Dubé
Coupables ou acquittés? Les cinq anciens joueurs d'Équipe Canada junior accusés d'avoir commis des agressions sexuelles sur une jeune femme dans une chambre d'hôtel de London, en 2018, connaîtront leur sort ce matin.
La juge Maria Carroccia rendra son verdict très attendu après des procédures tumultueuses qui se seront déroulées durant plus de deux mois, marquées notamment par un avortement de procès et un deuxième jury qui a été renvoyé à la maison sans pouvoir compléter son travail.
On peut s'attendre à ce que cette décision ne viendra pas clore cette saga, puisqu'il est fort probable que le camp «perdant» porte le tout en appel. Il ne serait pas surprenant que la cause se rende jusqu'en Cour suprême.
Des manifestations sont prévues devant le palais de justice de London, avant et après la lecture du jugement. Plusieurs dizaines de personnes sont attendues.

Les hockeyeurs déchus Michael McLeod, Carter Hart, Alex Formenton, Cal Foote et Dillon Dubé sont accusés d'avoir agressé sexuellement la victime alléguée, qu'on ne peut identifier que par les initiales de E.M., en raison d'un interdit de publication.
McLeod fait aussi face à une accusation supplémentaire de complicité à une agression sexuelle.
Les faits qui leur sont reprochés seraient survenus dans la nuit du 18 au 19 juin 2018, à l'hôtel Delta, de London, à la suite d’une soirée arrosée dans un bar.
Les cinq joueurs en question se trouvaient en marge d’un événement organisé dans cette ville ontarienne pour souligner leur conquête de la médaille d’or au Championnat mondial de hockey junior, à Buffalo, quelques mois auparavant.
Les cinq hockeyeurs ont plaidé non coupables.
Un procès sur le consentement
La notion du consentement de la victime alléguée s'est retrouvée au centre du procès, elle qui est venu livrer sa version des faits.
La jeune femme s'est retrouvée à la barre durant neuf jours, dont sept à se faire bombarder de questions par les avocats des accusés.
«Je ne connaissais pas ces hommes, je ne savais pas ce qui allait m’arriver si je disais non, a-t-elle notamment raconté. J’ai laissé mon corps faire ce qu’il devait pour rester en sécurité.»
Dans ses plaidoiries finales, la Couronne a déploré que la partie adverse avait usé de «mythes et de stéréotypes» pour tenter de décrédibiliser le récit de E.M. et qu'on lui avait pratiquement reproché de ne pas avoir agi comme la «victime parfaite».
La défense, elle, a voulu démontrer qu’elle aurait été consentante. Chaque passage de son témoignage avait été décortiqué et remis en doute dans les moindres de détails, avec des insinuations qui ont parfois fait réagir, alors que le procès a été largement médiatisé partout au pays.
«En matière d’agression sexuelle, le contre-interrogatoire est l’outil numéro 1 pour un avocat de la défense afin d’attaquer la crédibilité d’un témoin. On a souvent deux versions contradictoires, l’un dit blanc et l’autre dit noir. Tout repose donc sur la crédibilité du témoin», a expliqué l’avocat criminaliste Philippe Cloutier.
Un doute a-t-il été semé?
Certains observateurs ont choisi cette cause pour faire le procès de la «culture toxique du hockey». Des éléments qui n’auront aucune incidence dans le verdict attendu, assure Me Cloutier.
«Pour déclarer les cinq hommes coupables, la juge devra en venir à la conclusion hors de tout doute raisonnable que la jeune femme n’a pas consenti aux actes sexuels», a-t-il souligné
«Le fardeau est beaucoup plus lourd sur la Couronne que sur la défense, poursuit-il. Du côté de la défense, le travail est de semer un doute dans l’esprit de la juge», ajoute l’avocat, confirmant que c’est ce qui rend ce genre de dossier si complexe.
Ce qui a mené au procès

Nuit du 18 au 19 juin 2018
À la suite d’une soirée arrosée dans un bar de London, la présumée victime suit l’un des accusés, Michael McLeod, jusque dans sa chambre d’hôtel. Ils ont alors un rapport sexuel consentant. Par la suite, le jeune homme invite des coéquipiers à les rejoindre dans sa chambre en envoyant un texto dans un groupe de 20 personnes.

C’est à partir de ce moment que des rapports auxquels la présumée victime n’aurait pas consenti ont eu lieu, avec les cinq joueurs accusés. Elle prétend avoir subi des attouchement et avoir dû se prêter à des séances de sexe oral sur trois joueurs. Une relation sexuelle complète aurait eu lieu avec Alex Formenton dans la salle de bain.
Elle a témoigné avoir été «dirigée, manipulée et intimidée» afin de ne pas quitter la chambre et n'avoir jamais consenti aux gestes commis, alors qu'elle a soutenu qu'elle était fortement affectée par l'alcool.
Avant de partir, elle a dû enregistrer deux vidéos dans lesquelles elle assure que tout était consensuel. La légitimité de ces preuves a été débattue en cour.
19 et 20 juin 2018
Le beau-père de la présumée victime fait un appel au département des ressources humaines de Hockey Canada afin de rapporter qu’une agression sexuelle a eu lieu. Une enquête est alors entamée par Hockey Canada ainsi que par la police de London. Michael McLeod contacte la victime alléguée pour lui demander de «faire disparaître» l'enquête policière.
Février 2019
Après enquête, la police de London décide de ne pas porter d’accusations.
Mai 2022
Hockey Canada s’entend hors cour avec la plaignante qui, un mois auparavant, avait déposé une plainte réclamant 3,55 M$ en dommages et intérêts. On apprendra plus tard grâce au travail de médias que l’argent utilisé pour régler ce dossier a été pris dans un fonds de prévoyance garni à même les frais d’inscription au hockey mineur. Le président et directeur général de Hockey Canada Scott Smith ainsi que tout le conseil d’administration seront forcés de démissionner cinq mois plus tard.
Janvier 2024
Les cinq présumés agresseurs sont arrêtés et accusés d’agression sexuelle. Ils plaideront tous non coupables.
Avril à juin 2025
Le procès débute, mais une interaction entre une avocate de la défense et un membre du premier jury force l'avortement de procès. Un nouveau jury est formé. La victime témoigne durant neuf jours. Puis, des jurés du second panel envoient une note à la juge comme quoi ils pensent que deux avocats de la défense «les jugent ou se moquent d'eux». Un second avortement de procès survient et la cause se poursuit devant juge seule.








