Procès de 150 M$ en marge de la débâcle du Groupe Huot: les millionnaires «tombés en bas de leur chaise» en apprenant les déboires du groupe
Des investisseurs recrutés par Robert Giroux pour investir dans le Groupe Huot l’accusent de leur avoir caché les problèmes de l’empire déchu


Pierre-Paul Biron
Les investisseurs qui accusent Robert Giroux de les avoir entraînés dans la débâcle de Stéphan Huot blâment l’homme d’affaires d’avoir caché les problèmes de l’empire déchu et leur ampleur.
Le procès civil de 150 M$ des 75 millionnaires contre Robert Giroux, qui les a convaincus d’investir dans le Groupe Huot, s’est ouvert lundi au palais de justice de Québec.
Et rapidement, les premiers témoins ont fait comprendre au juge Jocelyn Geoffroy qu’ils n’avaient apparemment aucune idée de la chute qui se tramait à l’horizon.
«Je suis tombé en bas de ma chaise», a témoigné Denis St-Cyr à propos du moment où il a appris que Stéphan Huot avait été en défaut de paiement à certains moments et que leurs investissements avaient présumément servi à payer des intérêts sur d’autres prêts.
Dans leur poursuite, les demandeurs accusaient Giroux de les avoir entraînés dans un stratagème «qui s’apparente à un système de Ponzi».
«C’est à l’encontre de ce qu’on nous disait. [...] Les représentations étaient à l’effet que tout baignait dans l’huile, que ça allait bien», a expliqué l’homme d’affaires, ajoutant que pendant ce temps, Robert Giroux aurait continué à «se payer des frais».
«Si c’était à recommencer, je n’aurais jamais mis une cenne là-dedans. Ça faisait déjà six ans qu’Huot perdait 1 M$ par mois et nous, on continuait à mettre de l’argent là-dedans» – Denis St-Cyr, ingénieur civil et investisseur immobilier
200 M$ dans Groupe Huot
Le portrait dressé par Robert Giroux aux investisseurs avant qu’ils ne mettent leur argent dans les fonds d’investissement Q-12 et FIISH était aussi, semble-t-il, bien loin de la réalité.
Garanties solides, sécurité, rendement intéressant et surtout diversification; le «pitch» de vente de Giroux a convaincu les investisseurs. Or, les centaines de millions levés servaient en majorité aux projets d’un seul emprunteur: Stéphan Huot.

«Il me disait que c’était bien diversifié, mais je me suis aperçu plus tard qu’on ne comprenait probablement pas ça de la même manière», a confié Paul Tardif, président d’Eterna Groupe Financier, qui a investi 2,6M$ de l’argent de clients dans l’aventure où «87% du fonds était avec M. Huot».
Le montant représentait certes un infime pourcentage de l'ensemble des actifs totaux du groupe, d'une valeur de 1,8 milliard, mais M. Tardif se serait bien passé de ces inconvénients. «Nous, on n’avait pas besoin de ça ces problèmes-là, de quelqu’un en qui on avait pas confiance et du risque que ça représentait pour notre clientèle.»
Surtout que même si plusieurs prêts étaient faits sur plusieurs projets, les pertes, elles, étaient «réparties sur l’ensemble des commanditaires», ont expliqué les deux premiers témoins.
«M. Giroux me l’a dit à plusieurs reprises, des dizaines de fois: “Un pour tous, tous pour un”», a raconté Paul Tardif.

«Jamais vu»
Les investisseurs accusent aussi Robert Giroux d’avoir manqué de rigueur dans le suivi de leur placement.
Les deux premiers témoins ont notamment cité l’utilisation de «déboursés uniques» sur des prêts servant à des projets immobiliers, par exemple un hangar à Saint-Hubert.
«[C’était] des déboursés faits à l’aveugle. [...] Je n’avais jamais vu ça de toute ma vie», a souligné Paul Tardif.
«Quand tu as 200 M$ de prêtés à un seul emprunteur qui a des problèmes de liquidités, [Robert Giroux] aurait dû être à côté d’Huot pendant qu’il signait les chèques. Ça aurait été ça, un suivi serré.»

Long procès
Le procès est prévu pour un total de six semaines ce printemps et à l’automne. Plusieurs dizaines de témoins devraient être entendus dans cette affaire sur laquelle plane l’ombre de la faillite de près de 1,2 milliard de l’empire de Stéphan Huot.
Réfutant les allégations des demandeurs, Robert Giroux a déposé une contre-poursuite de 25 M$.
Le conflit entre Robert Giroux et «les millionnaires»
- Recrutés pour investir 200 M$ dans les projets du Groupe Huot, 75 hommes d’affaires de Québec accusent Robert Giroux de ne pas avoir été transparent dans les démarches.
- Après la débâcle de Stéphan Huot, le groupe poursuit en juillet 2023 Robert Giroux pour 150 M$, alléguant un «stratagème» lui ayant permis de s’enrichir comme s’ils étaient «des guichets automatiques».
- L’homme d’affaires réplique en octobre en poursuivant à son tour le groupe d’investisseurs dans le but de laver sa réputation. Il leur réclame 25 M$ et rejette dans sa défense le blâme sur Stéphan Huot.
- Un procès de six semaines qui s’est ouvert lundi à Québec permettra de trancher ces questions.
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