Prix minimum réclamé pour tous les alcools: les géants de la bière veulent une lutte «à armes égales»


Jean-Michel Genois Gagnon
Les géants Molson Coors, Labatt, et Sleeman se sentent injustement traités avec le prix minimum imposé sur la bière et demandent au gouvernement Legault de revoir sa politique afin de permettre «une lutte à armes égales».
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«On comprend le concept de prix minimum. On vit bien avec, mais on déplore que cela ne s’applique pas aux autres produits. Nous sommes en compétitions avec les autres boissons alcooliques», avance le directeur général de l’Association des brasseurs du Québec (ABQ), Philippe Roy.
«N’importe quand, elle [la Société des alcools du Québec] peut prendre un vin et lui donner une très grande promotion. Nous, nous ne pouvons pas le faire. Ils ont des outils au niveau marketing que la bière n’a pas», dit-il.
Ce dernier est d’avis que l’abolition du prix minimum pourrait également être une avenue intéressante pour son industrie. Il faudrait toutefois mettre en place des barrières pour prévenir un potentiel dumping des États-Unis.
«Urgent»
Dans un mémoire déposé en prévision du prochain budget du Québec, l’ABQ, qui représente des joueurs comme Molson Coors, Labatt, et Sleeman, affirme qu’il est «urgent de moderniser la notion de prix minimum», évoquant que les enjeux de santé s’appliquent aussi aux autres produits alcooliques.
L’ABQ invite le gouvernement à revoir ses tarifs et la formule utilisée afin de «s’assurer qu’ils sont pertinents par rapport aux prix des autres biens [...] et qu’ils restent efficaces dans leur objectif principal, l’encouragement d’une consommation modérée et responsable».
Chaque année, la Régie des alcools, des courses et des jeux révise le prix plancher de la bière en fonction de l’indice des prix à la consommation. Il est alors interdit aux détaillants de vendre ces produits à un montant inférieur.
Dès le 1er avril, il en coûtera d’ailleurs près d’un dollar de plus pour une caisse de 24 canettes. Il s’agira d’un record depuis l’instauration de cette politique en 1994. En dix ans, le prix de la bière aura grimpé d’environ 4 $ pour une caisse de 24 bouteilles d’une teneur de moins de 4,1 % d’alcool.
Ces dernières années, les grands brasseurs ont dû s’adapter aux nouvelles habitudes de consommation des gens. La demande pour des bières sans alcool ou avec une faible teneur en alcool a, entre autres, explosé.
La compétition, en raison de la multiplication de l’offre en vins et en spiritueux chez les épiciers et à la SAQ, est aussi plus féroce, ce qui a eu des impacts sur les parts de marché de la bière à travers la province.
Difficilement applicable
Selon le Conseil des vins du Québec, cette demande de l’ABQ serait difficilement applicable.
«La réalité du marché du vin au Québec est totalement différente de celle du monde de la bière», affirme le vice-président, Michel Robert. «L’industrie viticole québécoise représente 1 % des vins consommés au Québec, et ces derniers sont loin d’être les moins chers sur le marché. Malgré cela, nous sommes constamment en manque de produits», ajoute-t-il.
Les éditeurs des sites vinquebec.com et DepQuébec, Marc André Gagnon et Guy Leroux, sont d'avis que la SAQ impose déjà d’une certaine façon un prix plancher en imposant ses tarifs pour les vins et les spiritueux.
Pas de hausse de taxe
Dans son mémoire, l’industrie brassicole réclame aussi que la taxe spécifique sur la bière ne soit pas de nouveau majorée cette année. En 10 ans, elle chiffre ses pertes à 271 millions $ en lien avec ces augmentations.
M. Roy évoque aussi des préoccupations liées au projet de règlement portant sur la modernisation de la consigne, comme les délais «nettement insuffisants pour mettre sur rails un tel système».
En 2021, Molson Coors a enregistré une croissance de 6,5 % de ses ventes qui ont atteint 10,3 milliards $. La société a profité d’une progression pour les produits Coors Light et Miller Lite et de ses produits hors de la bière.
LE PRIX MINIMUM DE LA BIÈRE AU QUÉBEC
Chaque année, depuis 1994, la Régie des alcools, des courses et des jeux révise le prix plancher de la bière en fonction de l’indice des prix à la consommation. Les détaillants ne peuvent vendre la bière à un prix inférieur au plancher fixé par la Régie.