Preuves falsifiées: un propriétaire qui se vantait d’amener ses locataires devant les tribunaux devra verser 42 000$ à sa locataire

Louis-Philippe Bourdeau
Un propriétaire devra verser 42 000$ à une locataire monoparentale après avoir tenté de l’évincer à l’aide de preuves falsifiées, a tranché une juge du Tribunal administratif du logement (TAL), qui a qualifié sa conduite d’«indigne».
Dans son jugement du 21 février 2025, la juge du TAL Aurélie Lompré n’a pas mâché ses mots pour décrire la conduite de Robert Richard.
Elle a décrit le comportement de M. Richard comme étant «méprisant», «hautement blâmable» et «malveillant».
En décembre dernier, l’émission J.E dévoilait le modus operandi de ce propriétaire de la Rive-Nord de Montréal, dont le slogan était «TAL DAY EVERYDAY» sur ses réseaux sociaux.
Notre enquête dévoilait que M. Richard a déposé une vingtaine de faux procès-verbaux d’huissiers dans l’objectif d’augmenter drastiquement le loyer de ses locataires ou de les forcer à quitter leur logement.

«Le Tribunal est d’avis que Robert Richard a fait preuve d’un cynisme effronté, ayant recours à la locatrice comme s’il s’agissait d’une marionnette, commettant une fraude et un abus de droit dans ce dossier», a-t-elle écrit.
Un loyer presque doublé
En octobre 2024, un juge du TAL avait permis à M. Richard d’augmenter le loyer de sa locataire de 780$ à 1400$.
Par le biais de deux rapports d’huissiers contrefaits, M. Richard avait affirmé – sous serment – que sa locataire avait omis de répondre à son avis d’augmentation de loyer.
Celle-ci a ainsi vu son droit au maintien dans les lieux «violé» par Robert Richard, qui était prêt à la «déraciner» de son domicile, dans un contexte où il est particulièrement «difficile de se loger», tranche le TAL.
La juge lui a donc ordonné de verser 2000$ en dommages moraux et 40 000$ en dommages punitifs.
«Il est manifeste que la locataire a vécu un stress majeur et des inconvénients découlant du comportement fautif de la locatrice et de Robert Richard», souligne la magistrate.
L’avocat de la locataire au Bureau d’aide juridique Maisonneuve-Mercier, Me Antoine Favreau, qualifie ce jugement «d’exceptionnel».
«C’est rare de voir autant de dommages accordés dans une décision du TAL, dit-il. Le but des dommages punitifs est bien sûr de punir celui qui a commis les gestes fautifs, mais aussi de dissuader d’autres locateurs d’imiter ces gestes.»

Aucune crédibilité
Lors des procédures, Robert Richard a prétendu ignorer comment les rapports d’huissier étaient arrivés entre ses mains, expliquant seulement qu’il partageait alors un ordinateur de bureau. Il est pourtant le seul employé de sa compagnie.
«Le Tribunal n’accorde aucune crédibilité au témoignage de Robert Richard, qui repose sur de simples allégations de dénégation générale», a écrit la juge Lompré.
Cette dernière a également décidé de lever le voile de la personnalité juridique de l’entreprise de M. Richard. Elle a aussi ordonné la rétractation du jugement d’octobre 2024.
M. Richard a 30 jours pour faire appel de la décision, sans quoi le jugement deviendra exécutoire.
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