Pressions de Trump sur la Fed: «un danger très sérieux» pour l’économie mondiale
AFP
Donald Trump reproche depuis plusieurs mois à la Réserve fédérale américaine (Fed) d'avoir trop tardé à assouplir sa politique, au mépris de l'indépendance de la banque centrale gravée dans ses statuts.
L'affaire fait grand bruit car l'autonomie des banques centrales est considéré comme un facteur clé pour garantir la stabilité des prix et la confiance dans l'économie, selon des observateurs.
Que veut Trump ?
Donald Trump reproche à Jerome Powell, président de la Fed, de ne pas abaisser assez vite les taux d'intérêt pour soutenir une économie fragilisée par sa politique protectionniste.

Certes, les taux directeurs ont été abaissés mercredi pour la première fois de l'année mais de façon jugée timorée par Stephen Miran, nouveau gouverneur de la Fed promu par Trump.
Des taux qui baissent aident les ménages à emprunter pour consommer et les entreprises pour investir, alimentant la croissance, mais au risque de relancer l'inflation.
L'insistance de Trump sur des taux bas a des raisons politiques et budgétaires.
La dette publique augmente depuis des années et, avec les récentes réductions d'impôts prévues, le déficit devrait encore croître.
Plus les taux d’intérêt sont élevés, plus l’État fédéral doit payer cher pour emprunter et plus ça pèse sur son budget.
Sous Powell, la Fed maintient une politique guidée par les données et résiste à la pression. Mais Trump tente de placer des candidats loyaux et cherche à révoquer la gouverneure Lisa Cook, affaire désormais portée devant la Cour suprême.
En 2026, plusieurs sièges, dont celui de Jerome Powell, seront à pourvoir au sein du conseil.
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L’indépendance des banques centrales pour quoi faire ?
Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, a jugé qu’une prise de contrôle de la politique monétaire américaine par Trump serait «un danger très sérieux» pour l’économie mondiale.
Toucher à l’autonomie de la Fed constitue «une voie très dangereuse», a abondé Andrew Bailey, gouverneur de la Banque d’Angleterre (BoE).
L’indépendance institutionnelle de la Fed «n’est pas un détail technique, mais une pierre angulaire de la stabilité économique», souligne Stephan Bales, auteur d’une étude pour la banque publique allemande KfW.
Plus généralement, «si je ne peux plus me fier au fait que l’évolution des taux d’intérêt soit réellement reflétée en toute bonne foi et conscience sur la base de la réalité économique, alors j’ai un problème», selon Ingrid Hengster, à la tête de la branche allemande de la banque Barclays, interrogée par l’AFP.
«Je ne peux plus vraiment investir correctement dans ce pays», ajoute-t-elle.
La «crédibilité» d’une banque centrale, quelle qu’elle soit, est une «ancre» qui empêche que «les attentes d’inflation dans le public ne dérapent», rappelle M. Bales.
Des exemples ailleurs?
«Des banques centrales moins indépendantes ne sont pas en mesure d’assurer la stabilité des prix. Il suffit de penser à la Turquie», estime auprès de l’AFP Carsten Brzeski, chez ING.
La Turquie affiche un des taux annuels d'inflation les plus élevés au monde, supérieur à 30% en août.
Capital Economics confirme que «les banques centrales des pays émergents subissent ponctuellement des pressions politiques», comme récemment au Brésil.
Les pays dotés de banques centrales indépendantes affichent un taux d'inflation plus faible, selon plusieurs études.
L’année 2026 sera un «test de résistance» pour l’indépendance de la Fed, et par conséquent «pour la stabilité du système financier mondial», avertit M. Bales.
«Il existe un risque que les pressions exercées par Trump sur la Fed incitent des responsables politiques des pays émergents à faire de même», selon Capital Economics.
La BCE subit aussi «des attaques indirectes mais pas contre son indépendance», souligne M. Brzeski. Mais il prévient : «Le niveau élevé de la dette publique» en zone euro, notamment en France, «pourrait accroître la pression sur la BCE pour orienter sa politique au service du financement des États.»
Les pays doivent donc prendre les mesures pour «contenir cette dette», ce dont «la BCE est pleinement consciente», souligne Ingrid Hengster.