Présence malaisante au Masters : un ex prisonnier et ancien champion accueilli à bras ouverts

AUGUSTA | Angel Cabrera connaît des problèmes légaux depuis près de 10 ans. Et pas n’importe lesquels. À deux reprises, il a reçu des peines d’emprisonnement pour agression et violence envers des femmes. C’est sans compter les allégations de violence conjugale et d’intimidation dont l’accusait auparavant son ex-femme. Après trois ans derrière les barreaux, il s’est présenté au Augusta National lundi avec son carton d’invitation réservé aux champions du prestigieux Tournoi des Maîtres.

Cette semaine marque la 21e visite à Augusta du vainqueur de l’édition 2009. Une première depuis 2019, car aux éditions suivantes, il réfléchissait à l’ombre des plus célèbres prisons du Brésil et de l’Argentine. Surnommée «la prison de l’enfer», l’une d’entre elles était bien loin du glorieux service cinq étoiles et de l’ambiance feutrée réservée aux golfeurs, vestons verts et invités du mythique pavillon du Augusta National.

Selon les documents judiciaires, Cabrera a fait face à plusieurs accusations criminelles depuis 2016. Son ex-conjointe et deux autres femmes l’avaient d’abord accusé de violence conjugale, de menaces et d’abus verbaux dans son pays natal en Argentine.

Notice rouge internationale

Si bien qu’en poursuivant sa carrière sur le circuit de la PGA à ce moment, il avait fait l’objet d’un mandat d’arrêt rouge lancé par Interpol. Il fut arrêté par les autorités brésiliennes à Rio de Janeiro en 2021 et incarcéré durant plus de quatre mois.

Il fut ensuite extradé dans son pays où il a fait face à la justice dans un procès pour violence conjugale, intimidation et vol. La victime dans cette affaire sordide, sa petite amie, a raconté avoir été «agressée physiquement, psychologiquement et sexuellement en plus d’avoir été embarrée dans une garde-robe».

Il a été trouvé coupable des deux chefs d’accusation de violence et mis sous verrou pour 18 mois.

Quand il en est sorti, deux autres femmes l’ont accusé de sévices semblables. Le juge lui a collé une sentence de 28 mois qu’il n’a pas terminée en raison de son comportement entre les murs d’une prison à sécurité minimale. Il fut libéré en août 2023.

Durant ses démêlés avec la justice et ses peines de prison, le circuit des Champions du PGA Tour l’avait suspendu avant de le réintégrer pour la saison 2024.

Malgré tout, le comité de compétition du Masters lui a envoyé des invitations pour ses éditions 2024 et 2025. L’an passé, il n’a pu l’accepter en raison d’un problème de visa. Mais le président du club, Fred Ridley, n’avait pas manqué de souligner «qu’Angel est l’un de nos grands champions». Un manque de tact envers les victimes.

Cette année, il l’a accueilli chaleureusement à bras ouverts pour qu’il participe à cette 89e édition du Masters, six ans après sa dernière présence, et qu’il s’installe autour de la table du traditionnel souper des champions en portant fièrement son veston vert.

Des questions

Jugé et trouvé coupable de ses crimes odieux, Cabrera, 55 ans, a payé sa dette à la société en passant près de trois années derrière les barreaux. Tout le monde a droit à une deuxième chance. Dans son cas, il en a eu plusieurs.

Avec le titre du Masters vient le privilège de participer au tournoi aussi longtemps que le champion le souhaite. Aucun astérisque n’apparaît au bout de ce critère d’éligibilité selon lequel un ancien champion serait exclu en vertu d’antécédents criminels.

Toutefois, le cercle ultra fermé du Augusta National est doté de tous les pouvoirs décisionnels sur la compétition. Alors qu’il peut édicter n’importe quel règlement, deux questions se posent :

- Par ses crimes, Angel Cabrera méritait-il cette invitation (et les prochaines) même s’il a payé sa dette à la société ?

- L’Augusta National doit-il ajuster ses critères ?

Phil mis de côté

Car il importe de rappeler qu’il y a trois ans, la direction du ANGC a fortement «conseillé» à Phil Mickelson, triple champion du tournoi, de ne pas se présenter à Augusta quelques mois après ses déclarations sur l’état du golf professionnel et son passage à LIV Golf. Sans avoir commis de crime, il avait alors brisé une séquence de 27 présences consécutives.

Idem pour Greg Norman, commissaire du circuit financé par l’Arabie saoudite, forte voix qui a creusé le fossé qui sépare le golf masculin depuis trois ans. Il s’était trouvé un billet pour venir encourager ses gars.

La moralité du veston vert a-t-elle un double standard ?