Près de 5000 sans-abri: c’est quand la visite est partie qu’on voit le vrai visage d’Edmonton


Jonathan Bernier
EDMONTON | La capitale albertaine vibre au rythme de ses Oilers. Les soirs de match, une marée orange et bleu envahit le centre-ville, paré de ses plus belles couleurs. Des partisans déguisés, des voitures maquillées, le bruit des klaxons: c’est jour de fête. On sent qu’on est dans un marché de hockey.
Quand la visite part, par contre, c’est là qu’on voit le vrai visage d’Edmonton. À l’instar d’autres grandes villes de l’ouest du continent, comme Vancouver et Seattle, les rues sont parsemées de sans-abri.
Il y en a partout. À Edmonton, ils sont 4896 selon le dernier recensement, publié en mai par Homeward Trust, un organisme qui leur vient en aide. Ce sont 1200 de plus qu’à pareille date l’an dernier.

En 2009, cet organisme a mis sur pied différents programmes pour tenter d’enrayer ce fléau. Susan McGee, sa président, estime que l'organisme est venu en aide à près de
20 500 personnes au cours de ces 16 années.
«On travaille fort pour aider ces gens-là», a indiqué Mme McGee, lors d’une entrevue téléphonique. «Nous avons maintenant des sites de soutien ouverts 24 heures par jour, sept jours par semaine. Nous avons mis sur pied cinq refuges au cours des dernières années. Trois autres sont en construction.»
Comme dans The Last of Us
L’intention est bonne, les efforts sont là et les projets avancent, mais madame McGee reconnaît que la tâche est plus complexe qu’elle ne l’était il y a 10 ans. La pandémie n’a pas aidé, mais il n’y a pas que ça.
Aujourd’hui, ce ne sont plus seulement des sans-abri quémandant pour s’acheter de la nourriture qui peuplent les rues du centre-ville. Ce sont des toxicomanes qui fument du crack ou qui se piquent à la vue de tous. Ce sont des gens désorientés, à cause de la drogue ou de problèmes mentaux. Des personnes en détresse qui crient contre des amis imaginaires ou qui demeurent debout, immobiles, recourbés.
C’est Zombieland. La misère humaine dans sa plus pure expression.

La situation est telle que plusieurs citoyens des environs ne mettent plus les pieds au centre-ville, sauf pour les matchs des Oilers. Un constat que j’ai moi-même pu faire depuis que la visite est partie en Floride.
À part des hommes en veston-cravate et des femmes en tailleur qui travaillent dans les bureaux du centre-ville, c’est mort. Comme dans The Last of Us. Les gens ne s’y sentent plus en sécurité, même si ce n’est probablement qu’une fausse impression. Mais Mme McGee comprend ses concitoyens.
«Je suis empathique envers les gens qui ressentent ce sentiment d’insécurité. Mais, ça n’a jamais été le cas pour moi. Je n’ai jamais vécu d’incident où je ne me suis pas sentie en sécurité en marchant dans les rues du centre-ville», a-t-elle affirmé.
Violence entre eux
En fait, c’est au sein même de la communauté des sans-abri que le niveau de violence est le plus élevé. C’est ce qui explique, selon elle, pourquoi plusieurs d’entre eux convergent vers le centre-ville, souvent le long des rails du tramway.
«Certains le font pour mendier, mais ce n’est pas la raison principale», souligne Mme McGee. «Vous savez, il peut y avoir des comportements prédateurs parmi eux. Certains ont été victimes de violence. C’est la raison pour laquelle ils s’installent dans des lieux plus achalandés et plus visibles.»
C’est triste et désolant. Mais c’est la dure réalité du monde artificialisé par les réseaux sociaux dans lequel on vit. Au moins, il y a des organismes qui tentent d’enrayer le problème. Ou, à tout le moins, de l’amoindrir.