26 médecins de famille ont rejoint le club des millionnaires en 2022 au Québec, un record
Héloïse Archambault et Hugo Duchaine
Pendant que le réseau de la santé est paralysé par des grèves d’employés voulant de meilleurs salaires, pas moins de 267 médecins ont empoché plus d’un million $ l’an dernier.
C’est un chirurgien général qui a encaissé le plus gros revenu en 2022, avec un peu plus de 2,5 millions $, selon les récentes données de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).
En 2022, cinq médecins ont franchi la barre des deux millions $, même s’il y a moins de millionnaires au total que l’an passé. La RAMQ publie les montants facturés et les champs de pratique, mais pas les noms des médecins.
26 médecins de famille
Si la grande majorité des médecins millionnaires sont des spécialistes, 26 omnipraticiens ont néanmoins atteint ce club sélect l’an dernier. Il s’agit d’un record pour les médecins de famille, alors qu’il y en avait seulement 7 en 2014.
L’omnipraticien le mieux rémunéré a déclaré un revenu de plus de 1,7 million $.
«Ça reste un phénomène marginal, réagit Marc-André Amyot, président de la Fédération des omnipraticiens du Québec (FMOQ). Il faut vouloir travailler des heures et des heures et des heures.»
Selon lui, les omnipraticiens qui atteignent ces montants travaillent six jours au moins par semaine, voient beaucoup de patients et font souvent beaucoup de gardes.
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N’empêche, le nombre de médecins millionnaires est en forte hausse depuis une dizaine d’années, soit depuis les généreuses augmentations consenties aux médecins.
Or, cette augmentation des revenus ne se traduit pas par une augmentation de l’accès ou des services de santé, remarque Nadia Sourial, professeure adjointe à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.
Revoir la tarification
«C’est le bon moment d’en discuter, avec ce qui se passe avec la grève [et] de revoir comment valoriser tous les professionnels du réseau», croit celle qui œuvre au Département de gestion, d’évaluation et de politique de santé.
Elle estime que la rémunération à l’acte nuit à la collaboration et évite de déléguer des tâches.
Mme Sourial ajoute que les avancées technologiques simplifient énormément des actes médicaux auparavant longs et complexes.
«Mais la tarification ne s’est pas adaptée, alors qu’on est capable d’en faire beaucoup plus [...] Est-ce qu’on donne la bonne valeur à chaque acte médical en fonction du temps et de la complexité que ça prend?» demande-t-elle, soulignant que les ophtalmologistes et les radiologistes sont surreprésentés parmi les médecins millionnaires.
L'ancien ministre délégué à la santé et ayant oeuvré 37 ans dans le réseau de la santé, David Levine, estime que les avancées technologiques servent aux médecins, mais pas aux contribuables, qui se retrouvent à payer plus cher pour des chirurgies désormais plus simples, comme les cataractes ou la lecture des radiographies.
Plafonner les revenus
D’ailleurs, la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) avait commandé une analyse actuarielle en 2022 pour plafonner les revenus des médecins millionnaires.
Mais en mars dernier, le syndicat indiquait toutefois ne pas avoir trouvé la bonne façon de limiter les revenus sans nuire aux actes médicaux.
Selon l’analyse de la FMSQ, les médecins qui ont de grands revenus travaillent beaucoup, souvent en région éloignée et de façon urgente.
Au cours des dernières années, l’Institut de la pertinence des actes médicaux a identifié 240 millions $ en actes médicaux qui ont été enlevés de l’enveloppe budgétaire des médecins spécialistes.
Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, jusqu’à 30 % des revenus des médecins servent à payer des frais des bureaux ou d’équipements.
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