Pourquoi Vegas peut viser les séries mais pas le Canadien?


Jean-Nicolas Blanchet
Imaginez-vous que vous êtes plongé dans un coma depuis cinq ans et que vous vous réveillez pour le match entre Vegas et Montréal lundi soir. Et après le match, on vous dit qu’une des deux équipes vise la coupe Stanley et l’autre refuse de dire à ses partisans qu’elle aspire à participer aux séries.
Soyez honnêtes, vous auriez pu répondre que c’est le CH qui vise la coupe. Montréal a mangé Vegas.
Évidemment, il n’y a rien d’étonnant qu’une équipe mauvaise en clanche une bonne. Ça arrive.
Ce que j’ai de la misère à comprendre toutefois, c’est pourquoi Vegas peut se permettre d’aspirer aux grands honneurs et que le CH est terrorisé par le mot en P pour éviter qu’on s’emballe.
Bien oui, ils sont forts Vegas. Ils sont champions. Ils n’ont pas perdu un match en temps régulier cette année. C’est toute une machine.
Mais en faisant abstraction de leurs succès des dernières années, quand on regarde leur formation et celle du CH, sommes-nous vraiment à des années-lumière?
Un club paqueté?
Vegas avait quatre choix de première ronde en uniforme lundi soir. Le CH en avait neuf.
Paul Cotter joue sur le premier trio des Golden Knights. Il n’est pas pire, un gros bonhomme. Mais il a 26 petits points à ses 72 premiers matchs dans la LNH.
Chandler Stephenson patine comme le vent et semble être la plus grande invention depuis le pain tranché. Mais il a toujours bien seulement fait 33 points en 168 matchs avec Washington avant d’arriver au Nevada.
William Karlsson est un excellent centre responsable. Mais ça fait six ans qu’il n’a pas fait plus de 60 points.
Mark Stone est tellement bon. Mais il est rendu à 31 ans et ça fait quatre ans qu’il joue seulement des demi-saisons.
Ivan Barbashev a été impressionnant en séries l’an dernier. Mais c’est un gars qui n’avait jamais fait plus de 29 points avant.
Brett Howden n’a jamais fait plus de 23 points.
Alec Martinez est solide, mais il est rendu à 36 ans.
Marchessault aura bientôt 33 ans et il a une seule saison de plus de 60 points dans ses cinq dernières.
Oui, ils ont Alex Pietrangelo, Shea Theodore et Jack Eichel. Mais c’est comme la plupart des équipes qui misent sur quelques gros joueurs.
Allez-y, comparé joueur par joueur avec l’alignement position par position des deux équipes, qui prendriez-vous?
À l’attaque:
Stephenson ou Suzuki? Caufield ou Cotter? Harvey-Pinard ou Stone? Newhook ou Eichel? Slafkovsky ou Barbashev? Anderson ou Marchessault? Karlsson ou Monahan? Pearson ou Dorofeyev? Gallagher ou Amadio? Evans ou Howden? Pezzetta ou Carrier? Armia ou Kolesar?
À la défense:
Matheson ou Martinez? Pietrangelo ou Kovacevic? Guhle ou McNabb? Theodore ou Barron? Xhekaj ou Hutton? Harris ou Korczak?
Moi j’arrive à 10 pour Vegas et 8 pour Montréal.
Bref, mon point, c’est que Vegas n’a pas du tout un club paqueté. C’est exceptionnel qu’ils soient aussi forts.
S'arranger pour gagner
Ils n’ont pas baissé les attentes après leur victoire l’an dernier en disant qu’ils allaient être plus jeunes, qu’il allait y avoir quelques trous dans l’alignement, qu’il fallait être plus patient. Il faut s’arranger pour gagner, c’est tout. Je pourrais écrire ce même texte en parlant des Bruins cette année.
C’est ça qui fait la différence à mon avis. Paul Cotter a bien beau n’avoir rien cassé dans son début de carrière, mais dans sa tête, il joue dans le meilleur club de la ligue. Il n’a pas d’excuses.
Chandler Stephenson n’a pas changé de patins pour soudainement être solide quand il a débarqué à Vegas il y a quatre ans. Il s’est mis à avoir confiance et à se dire qu’il allait être un joueur important dans un gros club. Il a suivi tout le monde qui faisait ça aussi.
On dirait qu’il n’est jamais question pour cette équipe de ne pas viser le top. Ça pourrait être un joueur pee-wee qui joue à l’aile de leur premier trio et je pense que l’équipe y croirait quand même.
Et étonnamment, ils réussissent presque tout le temps à être dans le top.
Je soupçonne Martin St-Louis de voir les choses comme ça aussi. Peut-être moins la direction qui doit gérer les attentes du public et ne pas scrapper sa reconstruction pour essayer d’être meilleur seulement durant une saison. Mais chose certaine, l’attitude à Vegas a de quoi inspirer le CH. Viser un circuit, c’est ambitieux. Mais viser de ne pas swinger dans le beurre, c’est un peu perdant.