Publicité
L'article provient de Le Journal de Montréal
Santé

Pourquoi tombons-nous aussi souvent dans le déni

treety - stock.adobe.com
Partager
Photo portrait de Dr François Richer

Dr François Richer

2025-08-24T16:00:00Z
Partager

Nous avons tous des angles morts, des moments de déni où nous refusons de voir une partie de la réalité ou encore où nous minimisons les problèmes. Ces aveuglements nous protègent en réduisant notre culpabilité, notre anxiété ou notre souffrance, mais ils nous empêchent aussi de voir clair et d’avancer.

Les humains se mentent à eux-mêmes régulièrement et souvent inconsciemment. Ils se cachent des choses, ils font du déni ou minimisent des portions de la réalité pour sauver la face, pour réduire leur anxiété ou pour moins souffrir. Ils oublient certains faits qui ne font pas leur affaire («Je n’ai jamais dit ça!»), ils embellissent la réalité («Je ne bois pas tant que ça») ou encore, ils ne tiennent pas compte de faits importants («Il m’aime même s’il a raté plusieurs rendez-vous»).

Souvent, les personnes en déni réinterprètent les faits à leur avantage («Ce n’est pas ce que je voulais dire», «C’était juste une blague»). Parfois, ils évitent de tirer les conclusions ou de voir les implications d’une information («Ça ne m’arrivera pas à moi»), ils minimisent l’impact de leurs gaffes («Ce n’est pas grave qu’il doive recommencer») ou encore ils rationalisent ce qui est dur à encaisser («Je m’en fous qu’il ne veuille plus me parler»).

Publicité

Le déni, c’est aussi se défiler. Certains ont tendance à incriminer le stress, les autres ou les circonstances pour se sentir moins responsables et moins coupables.

Parfois, le déni est plus qu’un aveuglement volontaire pour sauver la face. Il peut servir à nous protéger de la souffrance. Les deuils et autres traumas produisent souvent un choc émotionnel qui peut nous rendre insensibles et bloquer certains souvenirs douloureux.

Plus ou moins lucide

Le déni peut aussi servir à protéger notre image de nous-mêmes. Nous avons tous, à divers degrés, des lunettes roses qui protègent notre image de nous-mêmes. La plupart des gens s’estiment au-dessus de la moyenne en matière d’intelligence, de gentillesse et de modération, même si statistiquement, c’est impossible.

Notre niveau de lucidité par rapport à nous-mêmes varie énormément. Il peut passer de 0%, les jours où l’on habite pleinement notre personnage avec une bonne dose d’illusions, de fausses croyances et de rationalisation, à 75% durant certains moments de sagesse où nous doutons de nos belles certitudes.

Nos aveuglements sont souvent dus à des émotions qui biaisent notre attention, notre mémoire ou notre jugement. Nous embellissons notre perception des choses pour garder une image de soi stable et positive.

Nier nos difficultés

Certaines personnes manquent de lucidité à propos de leurs difficultés psychologiques, neurologiques ou physiques. Leurs proches remarquent clairement qu’elles ont des problèmes ou qu’elles ont tendance à se leurrer ou à refuser d’admettre certaines réalités, mais, quand ils en parlent, ces personnes s’insurgent ou encore elles trouvent des explications incohérentes ou de mauvaise foi.

Publicité

Plusieurs amnésiques minimisent leurs trous de mémoire même si leurs proches les trouvent préoccupants.

Certains amnésiques inventent même des souvenirs ou fabulent («Hier, j’ai soupé avec le premier ministre...») parce que leurs trous de mémoire sont accompagnés de difficultés à distinguer leurs vrais souvenirs du fruit de leur imagination. Certaines personnes aphasiques nient leurs difficultés à comprendre les autres, mais donnent quand même des réponses qui n’ont pas de sens.

Le déni peut être extrême pour les difficultés qui touchent notre conscience de soi. Certains malades peuvent nier leurs problèmes de vision ou leur paralysie d’un bras. Certains peuvent même ne pas reconnaître un de leur bras comme étant le leur.

Débloquer le déni

Malgré leur utilité dans certaines situations, nos pertes de lucidité nous rendent moins intelligents et moins sensibles aux conséquences de nos actions. En plus, nos zones de déni nous rendent plus résistants aux conseils des autres et aux changements de comportement.

Les proches gagnent à utiliser la subtilité plutôt que la confrontation avec les personnes en déni. Il ne faut pas émettre de jugement face aux angles morts de l’autre, ni souligner sa tendance au déni, mais plutôt aborder des situations précises, apporter des informations pertinentes à petites doses et demander à la personne ce qu’elle en pense. La lucidité se développe quand les motivations derrière le déni diminuent d’intensité et que la motivation à comprendre augmente.

Publicité
Publicité