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L'article provient de 24 heures

Pourquoi sommes-nous autant obsédés par les seins des femmes?

MEGA/WENN
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Photo portrait de Anne-Sophie Poiré

Anne-Sophie Poiré

2024-08-15T16:00:00Z
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Chaque été, l’histoire se répète. Une femme prend un bain de soleil sans chandail dans un parc ou porte un t-shirt qui révèle ses mamelons, et voilà que le débat autour de la poitrine reprend de plus belle. Mais pourquoi la société est-elle à ce point obsédée par les seins?

«Nous, on est à l’aise avec l’idée que nos mamelons paraissent au travers de nos vêtements, mais d’un autre côté, on impose ça à des gens qui ne sont peut-être pas à l’aise», affirmait fin juillet l’animatrice Katherine Guillemette sur les ondes du FM93, une station de radio de Québec.

«Il y a des hommes qui vont peut-être être vraiment mal à l’aise et ne pas savoir comment réagir», disait-elle à son collègue Alexandre Tétreault, tout en mentionnant avoir elle-même arrêté de porter une brassière l’été, par confort.

Lui, toutefois, semblait avoir un avis contraire.

«Quand tu dis que tu l’imposes aux autres, moi, j’ai envie de te répondre: “pas pantoute!”. Les autres s’imposent peut-être de regarder quelque chose qui les rend mal à l’aise. Mais si ça te fâche, te déstabilise, te lève le cœur, te rend inconfortable, pourquoi tu le regardes et tu en parles?», questionne M. Tétreault.

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Après les jambes, la poitrine

En 2022, une jeune femme de 21 ans s’est fait interpeller par des policiers alors qu’elle prenait un bain de soleil, seins nus, dans le Jardin Jean-Paul-L’Allier, à Québec. Après une plainte déposée par un citoyen choqué, des agents du Service de police de la ville de Québec (SPVQ) lui auraient demandé de se couvrir, même si la loi n’interdit pas aux femmes de dévoiler leur poitrine. 

En avril, l’actrice Sydney Sweeney avait, elle, dû répondre à une controverse sur son physique en s’excusant d’avoir «de grosses boules».

Capture d'écran Instagram
Capture d'écran Instagram

Mais à partir de quand les seins ont-ils commencé à déranger autant?

Après les jambes au début du 20e siècle, les seins sont devenus objet de désir au tournant de la Seconde Guerre mondiale, avec les pinups, Hollywood et la publication de magazines, explique l’écrivaine et sociologue Sarah Thornton dans le New York Times.

L'apparition du lait maternisé au même moment a également joué un rôle dans la sexualisation de la poitrine, écrit-elle.

«Il existe une corrélation entre les substituts de lait maternel et la sexualisation des seins, qui n’était pas totale lorsqu'elle était associée à l'allaitement. Si un bébé possède un sein, ça interrompt la possession du sein par l'homme.»

En perdant leur symbole nourricier, les seins sont devenus ceux du désir masculin.

«On a toujours pensé le corps féminin comme un outil avec un but, contrairement au corps masculin, qui peut se promener torse nu parce qu’il a chaud. Les seins ne peuvent pas exister de manière neutre», souligne la doctorante en sociologie à l’UQAM et spécialiste de la représentation de la sexualité féminine dans les médias, Lamia Djemoui.

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Un corps sexuel

Même si le monde n’est pas exclusivement constitué d’hommes qui désirent des seins, le «patriarcat» a perpétué l’idée que leur nudité était sexuelle, sans que les femmes ne puissent se les approprier, précise l’experte.

«Si une femme allaite, elle doit se cacher. On veut qu’elle se mette en bikini, mais si elle est topless, c’est trop. Une burka pour aller nager, ça ne passe pas. C’est toujours trop ou pas assez», fait-elle valoir.

L’engouement pour le soutien-gorge de Kim Kardashian donnant l’illusion d’être «sur les pines» témoigne de l’incohérence du malaise qu’on entretient par rapport aux seins: le corps peut être libre, mais pas vraiment.

Capture d'écran
Capture d'écran

Et ne montre pas ses seins qui veut! «Il est aujourd’hui encore controversé de montrer nos seins si on est grosse ou si on n’entre pas dans les standards de beauté contemporains», rappelle Lamia Djemoui.

La quatrième vague féministe

En montrant leur poitrine, les femmes se défont de l’idée que les seins doivent être honteux, explique la doctorante. Mais cette réappropriation de leur corps dérange.

«Certains ont encore un problème avec les femmes qui font ce qu’elles veulent de leur corps, sans honte, puisque ça fait partie d’un nouveau mouvement qui va bien au-delà de la libération sexuelle. On parle de la quatrième vague féministe», signale Mme Djemoui.

Cette récente vague, apparue dans les années 2000 avec l’essor des réseaux sociaux, se concentre sur le harcèlement sexuel, la discrimination, le body shaming et la représentation sexiste de la femme dans les médias.

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