Pourquoi pas nous, pourquoi pas maintenant?

Jean-Charles Lajoie
Pourquoi pas nous? Pourquoi pas maintenant? Une phrase de Stéphane Robidas, adjoint de Martin St-Louis...
Une petite phrase de rien du tout qui veut dire beaucoup et qui prend tout son sens avec la qualification du Canadien en séries éliminatoires.
Personne n’a vu venir Martin St-Louis et son groupe dans le gros tableau, moi le premier.

Je suis tellement excité que ces gars-là puissent continuer leur apprentissage dans de vrais matchs de séries! Martin a beau nous parler de matchs numéro sept en saison régulière depuis un mois, lorsqu’est vraiment venu le minuit moins une du calendrier mercredi soir à domicile, les comeback kids ont pu constater que là, ce n’était plus du théâtre.
Tous ces cris d’amour du public... Le Canadien est l’élixir nécessaire pour affronter un quotidien qui, autrement, ne fait que nous désabuser, ne fait que nous décourager devant la bêtise collective d’une société qui semble dangereusement engagée dans la mission de se mettre à mal...
À tous ces maux, la Sainte-Flanelle est le remède.
Les garçons de l’école de hockey Martin St-Louis ont grandi sous nos yeux depuis trois ans, avec ce que cela comporte d’erreurs commises en quantité, de revers crève-cœur et de quelques grandes victoires.
Toujours, ils ont eu la conviction profonde que ce chemin parsemé d’embûches était celui à emprunter afin de reconquérir la noblesse perdue depuis plus de 30 ans.
«Le Canadien de Montréal, notre équipe nationale», chante haut et fort Loco Locass. Ce n’est pas banal, quand on y pense. Des mots puissants et rassembleurs, incantés dans la cathédrale du hockey, sortant de la bouche du plus souverainiste des groupes de rap de son époque.
«Allez, allez, allez... allez Mont-ré-al», chanté par 20 chœurs de vainqueurs de 21 000 amateurs, 21 000 admirateurs, avec en son centre Geoff Molson, le plus fédéraliste du collectif...
Le Canadien est le point de rendez-vous de toute une nation.

C’est tous ces ingrédients qui enivrent et propulsent un groupe de gars parvenus de partout sur la planète, se donnant rendez-vous au sanctuaire.
Dans un silence assourdissant, ils lacent leurs bottillons, puis ils relèvent la tête. Ils se regardent, ils prennent acte de la force du groupe, de la puissance du nombre.
Puis, le chef de meute viendra. Martin leur dira combien ils le rendent fier, combien ils sont beaux, combien il les aime. Il leur dira comment s’y prendre pour faire tomber le «Tsar» et sa suite.
Il leur parlera de ce que ça fait dans le cœur d’avancer dans le gros tournoi. Il sera émotif, puisque c’est son cœur à lui qui leur parlera. Il se reverra, bras vers le ciel, tenant la scintillante coupe Stanley.
Puis, il aura une envie folle de le refaire, comme pour permettre à sa maman de toucher le grand saladier, pour avec elle à nouveau communier.
Puis, les loups se lèveront, ils exécuteront à la perfection le rituel, ils jailliront du tunnel sur l’appel de Michel Lacroix: «Accueillons nos Canadiens.»
Et le tonnerre retentira. Et la rondelle tombera. Et ils décideront qu’à coups de lames, ils éviteront les larmes. Et Washington passera. Washington s’en ira...
«Bleu comme le Saint-Laurent, blanc comme l’hiver, rouge comme le sang qui nous coule à travers...»
Poétique et minimaliste. Cette équipe nous ramène à nos origines, à ce que nous sommes, quelque chose comme un grand peuple...
Pourquoi pas nous, pourquoi pas maintenant?
