Pourquoi on ne parle de souveraineté qu’aux funérailles?
Il faut qu’un artiste meure pour qu’on parle de l’indépendance?


Richard Martineau
Les souverainistes (dont je suis) disent que la meilleure façon d’aider l’option indépendantiste est d’en parler.
C’est comme les saucisses Hygrade.
Plus on en parle, plus les gens ont envie de l’essayer. Plus les gens ont envie de l’essayer, plus les gens en parlent.
Bref, en politique comme en gastronomie, l’appétit viendrait en mangeant.
Si c’est vrai, on risque d’assister à une hausse remarquable des intentions de vote pour le Oui au cours des prochaines années.
Car les artistes qui brassaient la cage dans les années 60 ont tous atteint un âge vénérable. Et quand ils vont commencer à tomber, ils vont tomber les uns après les autres.
Or, chaque fois qu’on rend hommage à un artiste disparu, on en profite pour parler de souveraineté.
Du combat de cet artiste pour l’indépendance. De son rêve de voir le Québec devenir un pays.
SILENCE RADIO
Je regardais l’émouvant hommage que Dominic Champagne a préparé pour Serge Fiori et je me disais: c’est bien de souligner la passion que le leader d’Harmonium avait pour l’option souverainiste.
Mais ça serait encore mieux si on parlait d’indépendance ailleurs que dans les salons funéraires.
On dirait que la souveraineté, pour les Québécois, c’est comme la famille.
On se rend compte de son importance seulement lorsqu’un vieil oncle ou une vieille tante meurt.
On va au salon, on voit nos cousins et nos cousines, et on se dit: «Ça fait des lunes qu’on ne s’est pas vus! Faudrait s’appeler, se voir plus souvent!»
Puis on sort du salon, et on n’y pense plus.
Hier, on a parlé d’indépendance pendant deux heures. Chaque artiste qui rendait hommage à Fiori y allait de son discours sur l’importance d’avoir un pays.
Mais la prochaine fois que ces artistes seront invités dans un talk-show pour ploguer un spectacle, ils n’en parleront pas.
Ils vont attendre l’hommage à tel ou tel artiste disparu pour brandir à nouveau le drapeau.
Entre les funérailles, silence radio.
Pourquoi?
• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission de Karima Brikh, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
MERCI! THANK YOU!
Remarquez, ils ne sont pas les seuls. On est tous comme ça.
Je voyais hier les gens applaudir à tout rompre lorsqu’on rappelait que Fiori avait refusé un million de dollars pour traduire L’Heptade en anglais.
«Quelle intégrité! Quelle droiture! Bravo!»
C’était beau de voir ça.
Mais combien de ces personnes qui, hier, saluaient haut et fort le «courage» de Fiori, osent exiger d’être servis en français lorsqu’on leur parle en anglais dans un commerce?
Combien d’entre eux déposent une plainte à l’OQLF lorsqu’ils se font aborder «in english only» sur un vol d’Air Canada ou de WestJet?
Pas beaucoup.
D’ailleurs, vous avez vu? Pendant deux heures, hier, on a salué la droiture de Fiori, qui a refusé de chanter en anglais pour avoir une carrière internationale.
Et on a terminé l’hommage qu’on lui rendait avec une miniperformance de Céline Dion... qui a chanté en anglais pour avoir une carrière internationale!
Et qui habite à Vegas!
Euh... Allo?
Tout comme il faudrait qu’on rende hommage à nos grands artistes pendant qu’ils sont en vie, il faudrait arrêter de parler de souveraineté comme si c’était un projet embaumé.
Ou incinéré.