Pourquoi l’ex-shérif Caire toussote tant

Antoine Robitaille
Éric Caire qui témoigne, mal à l’aise, en s’éclaircissant nerveusement la voix devant une commission d’enquête en lien avec un dérapage informatique géant.
Pour décrire cette situation, le mot «cocasse» est un euphémisme. C’est l’un de ces retournements cruels dont seule la réalité est capable. Les plus grands scénaristes n’auraient même pas osé placer une telle chose dans une fiction.
Le mandat de Caire
Il n’y a pas de mot assez fort pour qualifier le combat qu’Éric Caire a mené, dans l’opposition, pour réclamer une commission d’enquête sur les contrats informatiques.
2015: la CAQ avait entamé son année politique en misant sur cette question. Elle cherchait à gagner des points politiques contre les libéraux au pouvoir en multipliant les rapprochements avec la commission Charbonneau.
«Il y a autant de problèmes dans le domaine des contrats informatiques que ce qu’on a vu dans le domaine de la construction», peste François Legault.
Le chef caquiste avait confié à son député Éric Caire le mandat de produire un rapport avec recommandations sur les cas d’«inefficacité et de gaspillage de fonds publics» qui serait assorti de «recommandations concrètes». «Il y a un [...] nouveau shérif in town», s’amusait M. Legault.
L’informatique? Un «bar ouvert parce qu’il n’y a personne au gouvernement pour contrôler les mandats qu’on donne aux compagnies»! Nathalie Roy avait renchéri: la gestion des services informatiques à Québec «pue la magouille».
• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Benoit Dutrizac, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Camoufler
Un matin de février 2015, notre Bureau d’enquête dévoile qu’un ministère avait suspendu un projet informatique en déroute ayant coûté... 4,7M$. (Bien dérisoire par rapport à SAAQclic!) Caire se déchaîne: «On est en train de développer des techniques pour camoufler des informations. On n’est pas bon et on le sait. Alors, on développe une expertise pour camoufler le fait qu’on n’est pas bon.»
En mars 2015, l’UPAC frappe. Arrête six personnes présumément liées à «un stratagème de corruption impliquant l’octroi d’un contrat informatique à Revenu Québec». Rassurant? Pour Caire, c’est une raison de plus pour lancer une commission: «Est-ce que [le président du Conseil du Trésor libéral] Martin Coiteux constate l’ampleur du bordel informatique qui sévit actuellement?» s’interroge-t-il dans un communiqué où il rappelle avoir déposé à six reprises depuis 2014 des motions réclamant une commission.
Incompétents
Octobre 2018: la CAQ est élue. Dans sa plateforme, elle promet la «fin du bordel informatique». Le Vérificateur général se verrait même octroyer «des ressources et pouvoirs supplémentaires».
Caire devient ministre responsable de la Transformation numérique. Le 17 décembre 2018, il accorde une entrevue au collègue Nicolas Lachance. Commission d’enquête? Ce n’est plus nécessaire, le shérif est en poste et tassera les «incompétents» qui ont fait les mêmes erreurs de planification dans les projets comme RENIR, SAGIR et le DSQ: «J’ai demandé à mes fonctionnaires de me faire des briefings sur chacun de ces dossiers-là. Je veux savoir ce qui s’est passé. Où sont les problèmes et comment on les corrige.»
Mais pas SAAQclic? Où était le shérif? Vraiment, il y a de quoi toussoter.