Pourquoi les hommes hétéros ne savent-ils pas potiner?


Sarah-Florence Benjamin
Qu’on aime potiner ou non, on ne peut pas nier que le commérage est un art. Un art que peu d’hommes hétérosexuels semblent maîtriser. Qu’est-ce qui fait que de nous un bon ou un mauvais patineur? Est-ce une question de goût ou d’aptitude? On a posé la question à des hommes hétéros et à ceux et celles qui tentent de potiner avec eux.
Longtemps relégué au rang de mauvaise habitude ou de défaut de caractère, le potinage reprend ses lettres de noblesse, alors que des études confirment son importance pour tisser et entretenir des liens sociaux.
Mais ne potine pas qui veut...
Aux yeux de Simon (prénom fictif), les potins des hommes cisgenres et hétérosexuels sont généralement «décevants» parce qu’ils «manquent de détails ou de contexte.»
Il donne un exemple récent pour illustrer sa théorie.
«J’ai deux collègues qui sont très amis. Depuis quelques semaines, ils ne se disaient plus bonjour. Un troisième collègue s’est mis sur l’enquête. Il est revenu très rapidement en me disant qu’ils s’étaient chicanés. Il considérait l’affaire réglée... Finalement, on a appris que les deux collègues avaient eu une histoire à trois avec la blonde de l’un d’entre eux et que la blonde voulait ouvrir le couple pour inclure l’autre collègue», raconte-t-il.
Qu’est-ce qui cloche?
Maude a du mal à convaincre les hommes hétéros et cisgenres de sa vie de s’adonner au potinage.
Voici ce qu’elle remarque lorsqu’elle intercepte des discussions entre boys: «L’impression que ça me laisse, c’est qu’ils n’essaient pas de creuser, de se mettre à la place de l’autre, de proposer différentes pistes de solutions. Ils vont juste réagir en disant “fou raide, bro” ou “ayoye man, c’est sick”.»
Romane, elle aussi, est déçue lorsqu’elle potine avec des amis hommes.
«J’ai un ami célibataire depuis des années qui commence à voir une fille. Il ne nous raconte rien du tout jusqu’au jour où il nous lâche qu’ils sortent ensemble et change le sujet», explique-t-elle.
«J’imagine que les dynamiques relationnelles ne les intéressent pas ou alors ils ne trouvent pas ça hyper important. Peut-être qu’ils ne veulent pas creuser les sujets émotionnels ou relationnels parce qu’ils ne veulent pas être questionnés sur ça eux-mêmes», ajoute-t-elle.
• À lire aussi: Consentement sexuel: la crédibilité des femmes remise en question
Ces hommes qui aiment les potins
Stefan est un homme hétéro. Pourtant, il adore potiner.
«Je crois qu’il y a quelque chose d’intrinsèquement humain à parler des autres et prendre des nouvelles des gens qui nous entourent», affirme-t-il.

Il constate cependant qu’il potine surtout avec sa copine et ses collègues féminines.
Quand ils se voient, ses amis hommes et lui ont plus l’habitude de faire des activités communes que de parler de leurs relations. Et avec les hommes avec qui il est moins proche, il «sent qu’il y a une gêne [à potiner], comme un sentiment qu’on ne devrait pas faire ça.»
Alexandre croit pour sa part les hommes potinent, mais différemment que les filles.
«Les gars cherchent moins à savoir le pourquoi, ils cherchent à savoir ce qui s'est passé, ce qui fait en sorte que c’est moins constructif», mentionne celui qui dit «avoir appris à potiner avec les filles».
«Les gars sont très pudiques, c’est un des apprentissages du patriarcat. Ils rentrent moins dans l’intimité et sont plus dans la performativité quand ils potinent, ce qui change beaucoup la dynamique», ajoute-t-il.

Potins et patriarcat
Plusieurs raisons peuvent expliquer ces différences.
D’abord, le potinage est encore associé aux femmes et il peut être mal vu, ce qui peut décourager les hommes qui adhèrent aux normes de genre à le pratiquer.
Ensuite, les femmes ont beaucoup plus tendance à faire du potinage neutre, c’est-à-dire une histoire qui n'est pas associée à un sentiment positif ou négatif, que les hommes, selon une étude parue en 2019. Or, ce sont ces informations neutres qui constitueraient la majorité du potinage dans la vie de tous les jours, révèle une autre étude.
Toujours selon cette deuxième étude, les femmes ne seraient d’ailleurs pas plus médisantes que les hommes: c’est juste que les hommes ont généralement moins d’occasions de potiner!
Les hommes auraient toutefois avantage à potiner, puisque l’activité contribue à créer un sentiment d’intimité avec l’interlocuteur et à mieux comprendre les autres.
• À lire aussi: Échapper à la canicule dans un studio de yoga à 37°C: recommandé ou non?