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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Pourquoi les funérailles du frère André annonçaient aussi la mort de l’Église

Photo fournie par l'Oratoire Saint-Joseph
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Photo portrait de Gilles Proulx

Gilles Proulx

2023-02-23T16:30:00Z
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Pas une journée ne passe sans que des nouvelles rapportent les doléances des Québécois contre l’Église, qui a été si longtemps tenue pour incritiquable, ou des preuves du niveau très élevé d’incroyance ou de foi en la laïcité.  

Pourtant, il fut un temps où toute demeure canadienne-française digne de ce nom avait sur ses murs bien en vue des photos du pape et de notre héros religieux local, le frère André (1845-1937).

Une centaine de thèses de doctorat sur le sujet de la chute du catholicisme au Québec ne l’épuiserait pas davantage que celle de Rome.

Pour ma part, même si beaucoup pointent vers les années 1960 pour indiquer le relâchement de l’étau religieux, je suis plutôt porté à montrer deux autres moments charnières : le discours d’Henri Bourassa à la basilique Notre-Dame en 1910 et les funérailles du frère André en 1937.

Quand Bourassa déplore que l’Église nord-américaine dominée par des anglophones utilise l’argent des Canadiens français pour financer leur propre anglicisation, il se fait rabrouer par le pape. Voilà donc que l’Église qui protégeait langue et nation a l’outrecuidance de les menacer. Cette situation va obliger les futurs Québécois à se « décatholiciser » pour demeurer eux-mêmes ! 

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En rétrospective, on se rend compte que les Québécois sont devenus aussi irréligieux parce que l’Église catholique ne leur a pas laissé le choix !

Des religieux défilent à l’occasion des funérailles de celui qui sera reconnu officiellement saint en 2010.
Des religieux défilent à l’occasion des funérailles de celui qui sera reconnu officiellement saint en 2010. Photo fournie par l'Oratoire Saint-Joseph

Apothéose

Quand le frère André meurt deux ans avant le déclenchement du deuxième conflit mondial, personne ne peut encore croire que l’influence catholique est compromise. Personne ne voit que l’immense triomphe posthume de ce petit portier du collège Notre-Dame, dont la prière est réputée capable de guérir, est aussi le chant du cygne du catholicisme romain au Québec.

Peut-être en raison de sa sainteté, on a du mal à cerner la personnalité d’Alfred Bessette, ce petit gars de la Montérégie, qui a longtemps vécu à Saint-Césaire, et qui est né dans des circonstances pénibles, avec une santé fragile, de parents pauvres. 

Est-ce la grâce de Dieu ou le pouvoir de la foi qui a permis à ce petit gars sans éducation d’échapper à un destin triste et banal ?

La légende du frère si pieux dont la prière guérit se propage de son vivant, et ce dernier ne devient ni plus ni moins qu’une vedette internationale !

Sa dévotion envers la valeur cardinale de l’humilité le pousse à choyer le très humble père adoptif de Jésus : Joseph.

Joseph est en effet incroyablement négligé par rapport à Marie dans les prières.

Le frère André se dévoue à faire ériger un sanctuaire à Joseph sur le flanc du mont Royal devant son collège. Une chapelle est construite.

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Une quantité phénoménale de gens sont venus de recueillir devant la dépouille du frère André à sa mort, en 1937. On le voit ici entouré des béquilles de gens soi-disant guéris par ses prières.
Une quantité phénoménale de gens sont venus de recueillir devant la dépouille du frère André à sa mort, en 1937. On le voit ici entouré des béquilles de gens soi-disant guéris par ses prières. Photo fournie par l'Oratoire Saint-Joseph

Un million de visiteurs

Lorsque Alfred Bessette meurt, l’oratoire est encore loin d’être terminé, mais les travaux ont commencé. Je n’étais pas là pour les compter, mais on raconte qu’un million de fidèles venus du monde entier sont venus se recueillir devant sa dépouille, qui repose maintenant dans un tombeau de marbre payé par son ami Maurice Duplessis.

Des journalistes du monde entier couvraient l’événement qui demeure les plus grandes funérailles de l’histoire du Québec et du Canada.

On parle souvent de l’Expo 67 et des Olympiques de 1976 comme des premiers grands événements internationaux, mais, en réalité, c’est vraiment en 1937 avec l’afflux faramineux de visiteurs étrangers pour Alfred Bessette que Montréal a connu son premier envahissement touristique !

Même si l’Église est tombée au Québec, le frère André, devenu saint en 2010, demeure. On ne va plus à la messe ? Peut-être, mais l’oratoire demeure notre attraction touristique numéro un.  

Et je connais des incroyants qui, gravement malades, soudainement, se souviennent du frère André, et le prient.

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