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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Pourquoi le film Arlette vaut le détour

Sans avoir le raffinement cruel d’un Denys Arcand ou l’onirisme audacieux d’un Luc Dionne, Arlette n’en est pas moins une fable politique d’une complexité exigeante.
Sans avoir le raffinement cruel d’un Denys Arcand ou l’onirisme audacieux d’un Luc Dionne, Arlette n’en est pas moins une fable politique d’une complexité exigeante. Photo courtoisie, Caramel Films
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Photo portrait de Josée Legault

Josée Legault

2022-08-05T09:00:00Z
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Le film Arlette de Mariloup Wolfe est taillé sur mesure pour la controverse. Maripier Morin, traînant encore dans sa besace ses inconduites sexuelles passées envers Safia Nolin, y tient en effet le rôle principal.

Elle y joue Arlette Saint-Amour, une journaliste de mode catapultée en politique par le premier ministre qui, pour « rajeunir » l’image usée de son gouvernement, la nomme ministre « vedette » de la Culture.

Il s’en servira aussi comme arme de séduction politique massive pour neutraliser son tout-puissant ministre des Finances, perroquet narcissique du milieu des affaires dont l’ambition est de succéder bientôt au premier ministre.

Le choix de Maripier Morin en choquera plusieurs, l’empathie étant due à sa victime. J’ai néanmoins voulu voir le film avant tout pour son sujet et son propos. J’en étais curieuse comme analyste politique et aussi, dans une autre vie, comme ex-conseillère de premier ministre.

Tourné dans l’enceinte de l’Assemblée nationale et scénarisé par Marie Vien, ex-attachée de presse de l’ex-ministre de la Culture, Liza Frulla, Arlette, j’en sors convaincue, vaut assurément le détour.

Sans avoir le raffinement cruel d’un Denys Arcand dans Le Confort et l’indifférence ou l’onirisme audacieux d’un Luc Dionne dans Bunker, le cirque, Arlette n’en est pas moins une fable politique d’une complexité exigeante.

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L’image du pouvoir

On y traite du pouvoir de l’image en politique, et ce faisant, de l’image du pouvoir. De la place inégalitaire des femmes, malgré des avancées réelles. De luttes de pouvoir politiques, mais souvent férocement interpersonnelles.

On y défend l’importance cruciale de la culture et de ses artisans, pourtant les éternels parents pauvres des budgets gouvernementaux. On y nomme ouvertement le néo-libéralisme comme responsable du long massacre dans nos réseaux d’éducation et de santé.

Pour quiconque a frayé au sommet de la pyramide politique québécoise, on y reconnaît aussi quelques traits caractériels classiques de certains chefs de cabinet, attachés de presse, sous-ministres, journalistes, etc.

On y montre même les compensations qui, bien au-delà de leurs salaires moins élevés que ceux de n’importe quel PDG, adoucissent néanmoins la « vie de fou » des ministres et du premier ministre. Y compris leur accès aux meilleurs vins, meilleurs restaurants, meilleurs hôtels, etc.

Rédemption et espoir

Paradoxalement, Arlette est aussi une histoire de rédemption et d’espoir. D’espoir en la politique et les gens qui, lorsque c’est le cas, la choisissent comme agent de changement positif. En cela, la morale de la fable d’Arlette se décline en trois temps.

Primo, il y a de ces combats qui valent la peine d’être menés jusque dans la « cour de Versailles » – métaphore dans Arlette pour le pouvoir suprême détenu par tout premier ministre dans notre système parlementaire.

Deuxio, il arrive de voir des recrues « vedettes » s’en montrer tout à fait capables, à la condition toutefois d’avoir l’appui du premier ministre. Tertio, l’image en politique, comme dans la vie, est souvent trompeuse.

Bref, comme le disait si bien feu Jacques Parizeau : « C’est désolant, la politique comme métier, avec ses rapports interpersonnels compliqués. J’avais l’habitude de dire que c’était un “océan d’orteils”. Mais si on veut changer les choses, c’est inévitable, il faut faire de la politique. »

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