Pourquoi la culture du silence ?

Frankie Bernèche, Ph.D. Professeur de psychologie, Cégep St-Jean-sur-Richelieu
Qu’ont en commun les pensionnats autochtones, Hockey Canada, la fonderie de Rouyn-Noranda et Philippe Bond ? Il s’agit de quatre événements qui ont pris leurs essors grâce à la culture du silence qui les supportait.
Jamais les pensionnats n’auraient fait autant de victimes, la fonderie aurait mis à risque la santé d’autant d’individus, Hockey Canada et Philippe Bond auraient agi de la sorte, s’il n’y avait pas eu d’aveuglement des organisations en place qui bénéficiaient d’une façon ou d’une autre de ces secrets.
nous intéresse.
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Être conscient selon nos intérêts
La pleine conscience d’une réalité est liée à l’intérêt que nous en avons. Si vous êtes fumeur et que je vous affirme qu’il y a un lien entre fumer et le développement de cancer, vous aurez tendance à nier ce lien (du moins, à le minimiser). Et cela est normal. Autrement dit, nous pouvons tous nous persuader qu’une situation n’est pas si grave si cela nous permet d’en retirer des bénéfices.
Or, c’est ce qui s’est probablement passé dans l’aveuglement du Clergé, d’Hockey Canada, de la fonderie Horn et de M. Bond.
Ce qui est encore plus intéressant dans ces quatre histoires c’est qu’il s’agit de situations dans lesquelles des personnes responsables ne sont pas des individus dépourvus de jugement, ils occupent tous des postes stratégiques qui demandent méthode et finesse du raisonnement. En fait, tous occupent des postes dans lesquels le pouvoir décisionnel est fort et valorisant.
L’argent, toujours l’argent
Si nous voulons que de telles situations ne se reproduisent plus (ou du moins, diminuent), nous devons nous attaquer non pas aux individus, mais bien à la motivation qui entraine ces personnes dans ce sillage délinquant.
Et selon les faits, tout nous oriente vers des motivations (conscientes ou partiellement conscientes) liées à l’argent. À l’époque, l’Église avait tout avantage à augmenter son « membership », la fonderie Horn avait bien sûr avantage à réduire ses coûts liés aux traitements des matières dangereuses, Hockey Canada et les organisateurs de M. Bond ne voulant pas nuire à l’engouement du public pour leurs produits.
Notons toutefois que d’un point de vue psychologique, ces motivations peuvent être partiellement conscientes. C’est-à-dire que nous avons tendance parfois à nous cacher la vérité à nous-mêmes pour ne pas ressentir de culpabilité à la suite de nos choix.
Ainsi, le fumeur justifiera sa dépendance à la nicotine en citant un vieil oncle qui a toujours fumé et qui est décédé à 100 ans.
Bref, il est souvent plus facile de voir ce que l’on désire que de comprendre ce que l’on voit.
La valeur affective de l’argent
Comme toutes les ressources que nous possédons, il est important de se questionner sur notre rapport à l’argent. Après réflexion, nous comprenons souvent que l’argent et les pouvoirs qui y sont associés constituent une denrée importante dont la valeur est avant tout affective.
Pour plusieurs, l’argent est ce qui est le plus important, car il constitue la seule et unique preuve de leur valeur personnelle, de leur identité. Et c’est pour cela qu’ils sont enclins à cacher la vérité sur des méfaits pour ne pas mettre en jeu leurs valeurs personnelles.
En somme, c’est lorsque nous réalisons que l’argent est notre seule et unique motivation dans la vie qu’il est temps de se questionner sur nos réels besoins, ces besoins identitaires non assouvis dont l’éclat de l’argent ne peut mettre en lumière.

Frankie Bernèche, Ph.D. Professeur de psychologie, Cégep St-Jean-sur-Richelieu