Pourquoi est-ce si difficile de débattre intelligemment?


Joseph Facal
En 1992, après l’acquittement des policiers qui avaient sauvagement battu Rodney King, les émeutes embrasèrent Los Angeles.
King lui-même lança un appel au calme resté fameux: «People, I just want to say, you know, can we all get along? Can we get along?»
Apparemment pas. C’est pire que jamais.
Qualités
On tue un conférencier, Charlie Kirk, parce qu’on n’aime pas ses idées.
Pour plaire à Trump, on suspend l’émission d’un comédien qui le critique. D’autres sont dans le collimateur.
Dans les universités, la censure et l’autocensure sont monnaie courante.
La droite accuse la gauche. La gauche accuse la droite. Chacun brandit ses exemples.
Nous ne sommes plus capables de débattre sereinement de sujets sérieux.
Comment en sommes-nous arrivés là?
Débattre sérieusement de sujets importants demande au moins trois qualités: de l’humilité, de la résilience et de la confiance.
De l’humilité, car l’autre pourrait réussir à prouver que vous avez tort.
De la résilience, car vous serez contredit, critiqué, confronté, et il ne faudra ni s’effondrer ni sortir une arme à feu.
De la confiance, car il faut accepter de s’exposer, de courir un risque, ce qui est plus difficile que de se taire ou de parler pour ne rien dire.
Ce n’est pas un dosage évident que d’être simultanément humble et confiant.
Nos sociétés, malheureusement, n’encouragent pas l’humilité, la résilience et la confiance.
Comment développer l’humilité quand on nous martèle à longueur d’année que, pour renforcer l’estime de soi d’un jeune, il faut toujours lui dire qu’il est unique et extraordinaire?
S’il est pourri dans les sports, on lui donnera le trophée du joueur ayant travaillé le plus fort.
Comment développer la résilience si des parents protègent l’enfant de l’échec en aplanissant la route devant lui, faisant les devoirs à sa place, le défendant toujours devant les professeurs, lui donnant des pilules à la moindre anxiété?
Comment développer la confiance si, à l’école, on n’apprend pas aux enfants à construire une argumentation structurée, à l’exposer debout devant la classe, à répondre posément aux objections?
Comment développer ces qualités si vos seules fenêtres sur le monde sont des plateformes fréquentées uniquement par des gens qui pensent comme vous?
Comment débattre intelligemment sur des plateformes qui forcent à simplifier à outrance faute d’espace?
Comment débattre intelligemment quand le sensationnalisme est de plus en plus valorisé?
Faits
Comment débattre intelligemment quand deux personnes habitent des univers si différents qu’elles ne s’entendent pas sur les faits de base?
Patrick Moynihan répondit un jour à un contradicteur: «Vous avez droit à votre opinion, vous n’avez pas droit à vos faits».
Aujourd’hui, des gens s’emmurent dans leurs «faits alternatifs» et l’anonymat encourage les lâches.
Comment débattre intelligemment quand le mauvais exemple vient d’en haut, quand c’est un recteur qui ne défend pas la liberté académique, quand c’est le président qui demande que l’on fasse taire?
Chacun de nous devrait essayer d’être ce qu’il souhaite voir autour de lui.