Pourquoi avons-nous peur du référendum au Québec?
Jean Baillargeon, Analyste et expert-conseil en communication stratégique
L’ex-premier ministre Lucien Bouchard a exprimé sa peur du référendum lors d’une récente entrevue et recommande à Paul St-Pierre Plamondon (PSPP), le chef du Parti Québécois, de revenir sur sa promesse d’en tenir un lors d’un premier mandat — s’il est élu, bien sûr — aux prochaines élections prévues à l’automne 2026.
Cette peur est largement partagée au sein de la population québécoise, tant dans le camp fédéraliste que dans le camp souverainiste.
Mais d’où vient cette peur? Finalement, avons-nous peur d’avoir peur? Les souverainistes ont-ils peur de perdre un troisième référendum comme le démontre l’ex-premier ministre, ex-chef du camp du Oui en 1995, dont le 30e anniversaire se tiendra le 30 octobre prochain? Rappelons que le camp du Non avait gagné avec seulement 50,58% du vote dans le cadre d’une participation de plus de 95% des électeurs inscrits.
Défendre la Constitution de 1982
Les fédéralistes ont-ils peur de perdre ce référendum? Craignent-ils de défendre une constitution canadienne qui nie l’existence de la nation québécoise et ses droits collectifs, notamment sa laïcité, sa culture et sa langue et ses politiques distinctes en matière d’immigration, de solidarité sociale et de protection de l’environnement?
Tous savent que la Constitution de 1982 a été adoptée sans l’appui du Québec, soit celui des élus faisant partie de l’Assemblée nationale, y compris celui des députés fédéralistes.
Depuis plus de 43 ans, aucun parti fédéraliste (PLQ, PCQ) ou autonomiste (CAQ) n’a proposé de signer l’adoption de la Constitution de 1982. Pourquoi? Parce que tous savent qu’elle ne sera jamais appuyée par la population québécoise lors d’un référendum, surtout dans un contexte de contestation du gouvernement fédéral de la Loi sur la laïcité de l’État à cause de l’utilisation de la clause nonobstant, qui suspend la charte des droits et libertés. Tout cela semble un débat très technique et accessible aux initiés seulement, je vous l’accorde! C’est pourquoi tous les partis politiques ont utilisé la stratégie de gagner du temps avant la venue de PSPP en déclarant que la Constitution n’est pas une priorité et que les Québécois craignent de revivre les divisions des deux derniers référendums, en 1980 et en 1995.
Référendum à deux questions
Pour sortir enfin de l’impasse du «traumatisme référendaire», je suggère la tenue d’un référendum à deux questions, l’une sur l’actuelle Constitution canadienne adoptée en 1982 et l’autre sur la souveraineté politique du Québec! N’oublions pas, les citoyens du Québec n’ont jamais été consultés par référendum pour adopter la Constitution canadienne, il est temps de remédier à ce déficit démocratique.
Ainsi, les fédéralistes comme les souverainistes pourront promouvoir leur option respective et nous saurions une fois pour toutes ce que les Québécois veulent comme avenir politique! Lucien Bouchard mentionne que la Chambre des communes à Ottawa devrait approuver la ou les questions référendaires à l’avenir, mais si l’Assemblée nationale les adopte, il est politiquement difficile de les refuser, surtout dans un contexte où le gouvernement fédéral a adopté sa Constitution sans la tenue de référendum, une légitimité politique gênante dans le cadre d’une nouvelle consultation publique.
Enfin, le contexte de la guerre des tarifs américains pourrait aussi favoriser l’option fédéraliste en suscitant un élan de nationalisme canadien face aux menaces du président américain d’annexer le Canada pour en faire un 51e État. Tenir un référendum à deux questions serait une preuve de santé démocratique exemplaire, qui démontrerait que les Québécois désirent prendre en main leur avenir malgré les campagnes de peur. N’oublions pas, même la première ministre de l’Alberta encourage ses citoyens à signer une pétition pour la tenue d’un référendum sur l’avenir de cette province dans le Canada, alors pourquoi les citoyens du Québec devraient eux aussi s’abstenir de se prononcer sur leur avenir?
Ne craignons pas de nous consulter nous-mêmes en tant que nation! Consulter, c’est divisé, diront certains? Non, c’est plutôt se responsabiliser, c’est un geste démocratique exemplaire, surtout dans un contexte international où les régimes autoritaires antidémocratiques sont devenus de plus en plus populaires.

Jean Baillargeon
Analyste et expert-conseil en communication stratégique