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L'article provient de Le Journal de Québec
Société

Pour une reconnaissance historique accrue des Anichinabés

Ceux qu’on appelait «Algonquins» se sont alliés aux Français en 1812

Des Anichinabés en déplacement en 1908.
Des Anichinabés en déplacement en 1908. Photo fournie par le Conseil tribal de la nation algonquine Anishinabeg
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Photo portrait de Mathieu-Robert Sauvé

Mathieu-Robert Sauvé

2023-02-25T05:00:00Z
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« Avec les Mohawks, nous avons aidé nos alliés à gagner la guerre anglo-américaine de 1812. Sans nous et les autres Autochtones, le Canada serait peut-être aujourd’hui une partie des États-Unis », croit l’ancien chef de la communauté anichinabée de Kitigan Zibi, Jean-Guy Whiteduck, en entrevue au Journal.

Un demi-siècle avant la création du Canada, les troupes américaines veulent envahir les terres du Nord, mais font face à une résistance inattendue : celle des Autochtones qui connaissent bien le pays. Ils se sont alliés aux Britanniques dans l’Ouest. 

L’invasion s’étire sur plus d’une année quand les troupes reçoivent l’ordre de conquérir Montréal. Devant cette menace, les guerriers autochtones joignent, à Châteauguay, les rangs des Voltigeurs canadiens, des volontaires du Bas-Canada. 

Le 26 octobre 1813, ils célèbrent la victoire contre 7000 soldats américains qui battent en retraite.

10 000 ANS DE PRÉSENCE

Cet épisode de l’histoire de la nation anichinabée n’est pas connu des Québécois, déplore M. Whiteduck. 

« Encore aujourd’hui, nous n’existons pas dans les livres d’histoire », dit-il.

Les Anichinabés sont pourtant présents en Amérique depuis 10 000 ans, comme en témoignent les découvertes archéologiques sur différents sites. 

Photo fournie par le Conseil tribal de la nation algonquine Anishinabeg
Photo fournie par le Conseil tribal de la nation algonquine Anishinabeg

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Ces nomades vivaient de chasse, de pêche et de cueillette jusqu’à l’arrivée des Français. Puis ils ont été les « sujets de sa Majesté » sous le régime anglais.

Pour plusieurs, dont l’ancien chef de Kitigan Zibi, l’administration britannique n’a pas été positive. 

« Les Anglais nous ont dit qu’ils nous respecteraient si on ne se mêlait pas de la guerre. Nous avons tenu parole ; pas eux ! »

Occupant un « territoire non cédé », les Anglais ont imposé des titres de propriété. À partir de 1867, quand le gouvernement canadien a été créé, on a cherché une solution au problème indien. Le système des réserves a alors été mis en place.

Comptant aujourd’hui environ 10 000 personnes, les Anichinabés du Québec sont répartis en neuf communautés. Ceux qu’on appelait autrefois les Algonquins ne forment qu’une partie de la nation répartie dans cinq provinces canadiennes et au nord des États-Unis.

MAUVAIS SOUVENIR DES RÉSERVES

M. Whiteduck n’a pas connu le pensionnat, mais raconte que, dans son école primaire, à Kitigan Zibi, les jeunes n’avaient pas le droit de parler leur langue. 

« Les réserves n’étaient pas des endroits où nous étions libres. C’était l’équivalent des camps de concentration visant à nous éliminer », dit-il, en ajoutant que des hommes pouvaient être arrêtés et emprisonnés pour avoir chassé un orignal sur leur propre territoire.

M. Whiteduck estime d’ailleurs que le défi de la survivance de sa nation passe par le succès des revendications territoriales qu’il mène avec les représentants des Anichinabés. 

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« Nous voulons participer au développement minier, hydroélectrique et forestier qui se prépare dans la région. Nous ne serons pas mis à l’écart cette fois », conclut-il. 

QUI SONT LES ANICHINABÉS ?

Graphie : Le peuple anichinabé (on écrit aussi anicinabe, anicinape, anishinaabe, anishnâbé et anishnape) est présent en Amérique du Nord depuis des siècles, probablement des millénaires. Il a un mode de vie traditionnellement nomade. À l’arrivée des Européens, qui les ont appelés « algonquins », ils ont participé au commerce des fourrures.

Population : 10 000 (au Québec).

Langue : algonquin (anishinaabemowin).

Signification : Anicinabe signifie « homme des origines » ou « homme bon ».

Figures marquantes : Tessouat est le gardien de l’île aux Allumettes, dans l’Outaouais, qui refuse de laisser passer Champlain en 1613 ; William et Gabriel Commanda (voir texte ci-dessous) ; Le rappeur, animateur et comédien Samian est un Anichinabé de Pikogan. 

Celui qui amena la cause autochtone devant l’ONU

William Commanda (1913-2011) a été chef de bande de Kitigan Zibi de 1951 à 1970. Connu pour sa maîtrise de la fabrication de canot d’écorce, il portait une attention particulière aux objets traditionnels comme les wampums, ces colliers de perles porteurs de messages.

Petit-fils du fondateur de la communauté, Luc-Antoine Pakinawatik, Commanda a porté la cause des Autochtones jusqu’au siège social des Nations unies, à New York, où il a prononcé plusieurs discours. 

Il a ainsi contribué à l’adoption de la Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones. Ses actions internationales l’ont amené à côtoyer le chef spirituel du Tibet, le dalaï-lama, ainsi que le président de l’Afrique du Sud, Nelson Mandela.

Décoré de l’Ordre du Canada en 2008, il a dirigé jusqu’à son décès un mouvement international pour la paix, le Cercle des Nations. 

La famille Commanda compte une autre personnalité illustre, son oncle Gabriel Commanda (1891-1967). Trappeur, pêcheur, bûcheron, guide et prospecteur, c’est lui qui aurait déclenché la ruée vers l’or d’Abitibi après avoir découvert un gisement du métal précieux à Lamaque en 1920. 

Mais il a été « expulsé de ses terres pour permettre l’exploitation de la mine », selon le Conseil tribal de la nation algonquine Anishinabeg. Il ne profitera jamais de la richesse de ce filon. 

Val-d’Or le considère aujourd’hui comme l’un de ses fondateurs. 

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