Plus d’épiciers, une solution à l’inflation
Le manque de concurrence facilite les hausses de prix et les profits excessifs, dit un rapport

Julien McEvoy
Pour limiter la hausse des prix à l’épicerie, il faut moins de concentration et plus de concurrence dans le secteur. Un sacré défi pour une industrie qui est passée de huit à cinq gros acteurs en moins de 30 ans.
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C’est ce qui ressort d’une étude du Bureau de la concurrence publiée mardi et qui mise sur quatre principales recommandations.
Il faut «soutenir l’arrivée de nouveaux types d’entreprises dans le secteur de l’épicerie et élargir le choix des consommateurs», recommande-t-on entre autres dans l’étude.
Dans le même élan, le Bureau reconnaît sa difficulté à assurer une saine concurrence.
«Lorsqu’un grand épicier achète un petit nombre de magasins en milieu urbain, il est souvent difficile pour le Bureau de l’arrêter», est-il écrit dans le rapport.
C’est là un aveu des erreurs commises dans le passé et qui ont mené à une importante concentration du secteur des supermarchés, selon l’économiste D.T. Cochrane.
«Les gros ont tellement acheté de petits au cours des années que le Bureau reconnaît qu’il n’a pas été capable de suivre», dit cet employé de l’organisme Canadiens pour une fiscalité équitable.

Grande concentration
Aujourd’hui, le marché canadien est dominé par Loblaw (Provigo, Maxi), Empire (IGA) et Metro, ainsi que par Walmart et Costco.
En 1986, note le rapport, on comptait huit joueurs principaux : Loblaw, Sobeys, Metro, IGA, Safeway, Steinberg, Provigo et A&P.
Plus une industrie est concentrée, rappelle M. Cochrane, plus elle aura tendance à monter ses prix.
« Ce n’est pas tant qu’ils font de la collusion. Mais ils sont si peu nombreux, qu’ils n’ont qu’à regarder ce que les autres font. Tu hausses ton prix de 1$? Bien moi aussi! », résume-t-il.
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« Profits excessifs »
Afin de mesurer le manque de concurrence entre les supermarchés, l’étude s’est intéressée à leurs marges brutes de profit.
Car si les prix augmentent, ce n’est pas toujours en raison d’un manque de concurrence. Mais ce l’est quand les prix et les marges augmentent en même temps.
«Nous avons remarqué que les marges brutes des produits alimentaires des grands épiciers du Canada ont généralement augmenté de façon modeste, mais significative au cours des cinq dernières années», indique le rapport.
Pour D.T Cochrane, cette affirmation est une «plaisante surprise» et la preuve que les épiciers réalisent des profits excessifs.
«Ils augmentent leurs prix en plus d’augmenter les profits sur chaque article vendu. C’est la définition même de profits excessifs», dit-il.
La solution simple? Taxer ce profit et en faire profiter tout le monde. Car l’autre solution, soit d’augmenter le nombre d’épiciers, prendra du temps. Beaucoup de temps.
«On parle de nombreuses années contre une solution instantanée», résume-t-il.
Sous la loupe
En plus d’augmenter le nombre d’acteurs dans le marché, il faudrait aussi que les gouvernements favorisent «la croissance des épiciers indépendants» et «l’entrée des épiciers internationaux sur le marché canadien».
On évoque aussi l’idée d’harmoniser l’affichage des prix unitaires pour rendre la comparaison plus facile d’un endroit à l’autre.
La quatrième recommandation concerne l’immobilier et la façon dont les grandes chaînes manœuvrent afin de rendre «difficile, voire impossible, d’ouvrir de nouveaux magasins d’alimentation».
«Cette solution-là est excellente», commente Sylvain Charlebois.
Dans certaines villes, on voit souvent des grandes enseignes acheter des terrains simplement pour empêcher la concurrence de s’installer de l’autre bord de la rue, assure le directeur du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l'Université Dalhousie.
«Plus on s’attarde au contexte régional, plus on va découvrir des choses. Il ne faut pas juste regarder l’ensemble des joueurs du marché, mais aussi tenter de comprendre ce qui se passe à Joliette, à Anjou ou à Granby», dit-il.
Exercice fiscal 2022
Loblaw : 56,5G$ de ventes / 2,26G$ de profit
Empire : 30,2G$ de ventes / 746M$ de profit
Metro : 18,9G$ de ventes / 922M$ de profit
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