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L'article provient de Le Journal de Montréal

Peintre surdouée de 15 ans, Mégane Fortin vend ses toiles au Québec, à New York et en Californie

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Photo portrait de Cédric Bélanger

Cédric Bélanger

2023-05-22T23:00:00Z
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Sa mère dit qu’elle a «un besoin viscéral de peindre». À 15 ans, Mégane Fortin fait tourner les têtes et provoque des émotions fortes partout où elle expose ses toiles, de Québec à New York en passant par la Californie. Regard sur le parcours étonnant de cette jeune artiste de Stoneham au talent prodigieux et à l’avenir lumineux.

Jessie Tremblay s’est rendu compte de l’amour de sa fille pour l’art à la maternelle.  

«Elle faisait juste dessiner toute la journée. Elle me revenait chaque jour avec une pile de feuilles blanches avec toutes sortes de dessins, un peu de bricolage, mais principalement des dessins.» 

«En première année, poursuit-elle, cela a causé un problème. Vu qu’elle avait d’autres matières à voir en classe, elle n’avait plus le temps de dessiner. Chaque jour, quand elle arrivait le soir, elle était triste, ça ne marchait pas. C’est comme si elle avait manqué de temps dans sa journée pour dessiner. C’est viscéral.» 

Ça faisait la file

Ce besoin viscéral ne l’a jamais quittée. En suivant des cours et après une rencontre marquante avec celui qui a été son premier professeur, Maurice Louis, Mégane Fortin a découvert sa passion pour la peinture et l’art abstrait. 

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C’est devenu sa vie. 

«C’est sûr qu’il y a des gens qui vivent sans peinture, mais moi, je ne sais pas comment je ferais», confie l’adolescente surdouée, que Le Journal a rencontrée avec sa mère et sa mentore, Marie-Josée Lépine. 

Dès sa première exposition à Stoneham, à l’âge de 9 ans, c’est la folie. Toutes ses toiles trouvent preneurs. Quand Mégane récidive l’année suivante, le résultat est le même. «Le jour du vernissage, les gens faisaient la file pour entrer. Il y avait plus de 150 personnes qui venaient de partout à Québec», se souvient sa mère, encore étonnée.

Bonheur, une œuvre de Mégane Fortin de 2017.
Bonheur, une œuvre de Mégane Fortin de 2017. Site web de l'artiste

Instinct acéré

Mégane Fortin possède un talent inné. Ce qui la distingue? «Un instinct acéré pour l’art», répond celle qui est sa professeure, son guide et sa confidente depuis cinq ans, Marie-Josée Lépine. 

«Je ressens que c’est équilibré, je ressens que ça parle. Dans les mouvements, il y a une énergie, une émotion qui nous est transmise. Ça ne s’enseigne pas. Il y a des gens à qui on pourrait enseigner plein de techniques, mais qui n’ont pas naturellement cette articulation naturelle pour faire quelque chose qui est beau, qui est esthétique et qui est toi.» 

«J’ai l’impression que c’est facile, confie Mégane, sans une once de prétention dans la voix. J’ai l’impression que tout le monde serait capable avec de la pratique. Au début, je regardais mon ancien professeur manier son couteau et je trouvais que ça avait l’air difficile, mais finalement, je suis rendue à un niveau que moi, je donne des cours. Quand je donne des cours, je vois des élèves qui font des choses qui équivalent à ce que je faisais au début. Je pense que beaucoup de gens auraient les capacités de le faire. Rendu là, il faut avoir le temps, il faut développer son style, aimer ça.»

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Mégane Fortin donne des cours à des élèves de l'école Vision de Sherbrooke, le 11 mai dernier.
Mégane Fortin donne des cours à des élèves de l'école Vision de Sherbrooke, le 11 mai dernier. Photo prise et fournie par Jessie Tremblay

Des gens pleurent

Le style Mégane, axé sur l’emploi de couleurs vives avec un élément central, séduit dès le premier coup d’œil. Il lui a permis d’exposer jusqu’en Californie et, récemment, au célèbre Artexpo de New York, où ses toiles ont été acquises par des amateurs d’art d’Europe et de partout en Amérique.

Butterfly, une œuvre de Mégane Fortin exposée à New York, en avril 2023.
Butterfly, une œuvre de Mégane Fortin exposée à New York, en avril 2023. Site web de l'artiste

Flamenco, une œuvre de Mégane Fortin exposée à New York, en avril 2023.
Flamenco, une œuvre de Mégane Fortin exposée à New York, en avril 2023. Site web de l'artiste

Sunset, une œuvre de Mégane Fortin exposée à New York, en avril 2023.
Sunset, une œuvre de Mégane Fortin exposée à New York, en avril 2023. Site web de l'artiste

Au-delà du style maîtrisé et flamboyant de Mégane, ce sont les émotions que suscitent ses œuvres qui fascinent son entourage. 

«Je me souviens d’un monsieur à Montréal. Il voulait une toile d’une certaine couleur. Écoute, il fallait quasiment que je le calme, je pensais qu’il allait s’évanouir. C’était tellement fort. Les gens sont tellement remplis d’émotion devant ses toiles...», raconte sa mère. 

«Il y’en a même qui pleurent», ajoute Mégane. 

Des portes vont s’ouvrir

Même si elle n’a que 15 ans, la jeune peintre est désormais une «artiste établie» et son avenir s’annonce «lumineux», affirme sa mentore. 

«Mégane a toujours fait des choix qui lui correspondaient, qui étaient cohérents avec qui elle est, avec ce dont elle a envie. J’ai l’impression que ça va être beaucoup d’autres portes qui vont s’ouvrir. Elle va aller dans la direction qui lui correspond», croit Marie-­Josée Lépine. 

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Mégane, dont le prochain rêve est d’exposer à Miami parce qu’elle a appris «que c’est le plus gros après New York», pose un regard qu’on pourrait qualifier de rationnel sur son avenir. 

«Je vais toujours faire de la peinture, mais je ne veux pas devenir une usine à toiles, que je peigne pour l’argent et que je dépende de la peinture pour manger. À un moment donné, peut-être que je n’aurai plus d’inspiration et je ne veux vraiment pas que ça arrive. Je veux peindre quand j’ai le goût et présentement, je peins de une à trois fois par semaine. C’est comme ça que j’aime, comme ça que l’inspiration est toujours présente.»

Mégane Fortin et sa maman, Jessie Tremblay.
Mégane Fortin et sa maman, Jessie Tremblay. Stevens LeBlanc/JOURNAL DE QUEBEC

C’est Mégane qui décide

Oubliez les histoires tristes de parents qui poussent trop fort dans le dos de leur enfant. Chez les Fortin-Tremblay, c’est Mégane qui dicte la marche à suivre. 

«Tout vient de Mégane, affirme sa mère. Je pourrais quasiment dire que je n’ai jamais rien demandé. Je me sens comme si elle est en avant de moi et moi je cours en arrière. Et quand je dis que je cours, c’est parce qu’elle veut tellement faire des affaires et qu’elle a tellement d’offres qu’elle est dure à suivre.» 

Marie-Josée Lépine a vite compris que Mégane aimait vraiment peindre dès leur première rencontre. 

«Je me souviens avoir vu Mégane monter l’escalier et m’offrir le plus beau des sourires. Quand je suis revenue à la maison le soir, j’ai dit à mon chum que j’étais tombé en amour tout de suite. J’ai vu que c’était vrai, que c’était pur, que c’était bien intentionné. Une fois qu’on a commencé à travailler ensemble, j’ai vu que son instinct, c’était réel.»

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Mégane Fortin et sa mentore Marie-Josée Lépine font équipe depuis cinq ans.
Mégane Fortin et sa mentore Marie-Josée Lépine font équipe depuis cinq ans. Stevens LeBlanc/JOURNAL DE QUEBEC

Se libérer

Suivre son instinct, ça veut dire se servir de l’art pour se faire du bien. 

«Des fois, explique Mégane, je suis fatiguée ou j’ai vécu quelque chose à l’école et j’ai envie de me libérer de ça en peignant, puis il y a des fins de semaine où je suis super heureuse et j’ai envie de peindre. [...] Ça m’aide vraiment.» 

«Il y a un soir, il y a quelques semaines, où ça n’allait vraiment pas. J’étais en train de parler à mon amie, il était rendu 10 h le soir, j’avais de l’école le lendemain, mais je ne pouvais pas ne pas aller peindre. Quand c’est là, c’est là.»

«Son cerveau fonctionne par codes de couleurs»

Derrière les éclatantes couleurs des tableaux de Mégane Fortin se cache un curieux phénomène. La synesthésie, vous connaissez?  

Singularité neurologique qui toucherait 4% de la population, la synesthésie se caractérise par l’association de deux ou plusieurs sens. 

En entrevue, la peintre donne l’exemple des mathématiques. Pour elle, «8 x 8 = 64, c’est mauve». Et 6 x 6 = 36? «C’est rouge.» 

Les mois de l’année? Novembre est mauve, alors qu’avril est rose, mai et juin sont verts. Même ses émotions ont une couleur attitrée. 

«Quand elle a commencé l’école, elle me disait que c’était facile parce que tous les chiffres ont une couleur. Je ne comprenais pas, je pensais qu’elle inventait des couleurs à ses chiffres, mais ça n’a pas changé et elle a 15 ans. Son cerveau fonctionne par codes de couleurs», explique sa mère. 

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Jessie Tremblay s’amuse à raconter comment sa fille était tombée en amour avec un tube de peinture orange dans les allées d’un Omer DeSerres. 

«T’étais super émotive», lui lance-t-elle en souriant. 

«L’orange était brillant, il était vraiment beau et il était nouveau. J’étais très heureuse», répond Mégane.

Pic bois, une œuvre de Mégane Fortin tirée de sa collection Émergence qui a été exposée en Californie, en 2019.
Pic bois, une œuvre de Mégane Fortin tirée de sa collection Émergence qui a été exposée en Californie, en 2019. Site web de l'artiste

«On veut que ça reste accessible»

Même si les amateurs d’art s’arrachent les toiles de Mégane, ses proches ont pris la décision de ne pas monter les prix. Pour l’instant. 

À New York, en avril, Jessie Tremblay avait fixé le prix des œuvres de sa fille à 2$ le pouce carré (entre 1000$ et 2000$, selon la taille), en se basant sur sa cote établie au Québec. «On m’a dit qu’elles auraient dû être vendues le double.» 

Consciente qu’il y a déjà de la surenchère, la mère de la peintre préfère monter les prix doucement. «C’est le marché de l’art, on ne peut pas fermer les yeux là-dessus, mais on veut que ça reste accessible aux Québécois.»

Pour garder l’art de Mégane accessible, ses réalisations abstraites se retrouvent déjà sur des produits dérivés: tuques, étiquettes de bières de microbrasseries, espadrilles. 

«Ça fait en sorte que mes amis peuvent s’en procurer. Sinon, jamais ils ne pourraient acheter des toiles», dit Mégane. 

Quant à l’argent récolté par ses ventes, il sert principalement à financer l’achat de son matériel (elle va régulièrement «faire son épicerie» chez Omer DeSerres) et les frais de voyage, note Jessie Tremblay. 

«Nous sommes allées deux fois en Californie, on revient de New York. Ce sont des milliers de dollars. En US. Comme maman, je ne pourrais pas offrir ça à ma fille. Si elle n’avait pas ses ventes, elle ne pourrait pas vivre ça. Les ventes la propulsent toujours plus loin et ça enlève les limites qu’elle pourrait avoir financièrement.»

L'œuvre de Mégane Fortin fait déjà l'objet d'une rétrospective en vente sur son site web.
L'œuvre de Mégane Fortin fait déjà l'objet d'une rétrospective en vente sur son site web. Image fournie par Jessie Tremblay

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