Pollution de l'air: plus mortelle que la COVID-19 en 2021 au Québec
Annabelle Blais et Charles Mathieu | Bureau d'enquête
Les particules fines pourraient être encore plus meurtrières que l’on pensait, démontrent de récentes études.
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Santé Canada estime qu’environ 15 000 décès prématurés par année sont liés à l’exposition à la pollution de l’air, dont 10 000 en raison des particules fines.
Au Québec, ce sont 4000 personnes qui décèdent prématurément chaque année en raison de la pollution de l’air, dont 2800 à cause de ces particules.
«4000 décès prématurés, c’est plus que la COVID qui a tué environ 3800 personnes en 2021 au Québec», illustre Johanne Elsener de l’organisme Santé urbanité.
Et même si la qualité de l’air s’est améliorée dans les dernières années, «les niveaux qu’on a sont un problème majeur», ajoute-t-elle.
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1,5 million de morts de plus
Une étude publiée en septembre dernier dans la revue scientifique Sciences Advances montre que la mortalité due aux particules fines est élevée même avec des taux très faibles (moins de 5 μg/m3).
«Nous avons constaté que nous avions sous-estimé l’impact des PM2,5 sur la mortalité, car on ne tenait pas compte des effets à de faibles concentrations», explique en entrevue Scott Weichenthal, professeur de l’Université McGill et auteur principal de l’étude.
Ce sont ainsi 1,5 million de décès chaque année dans le monde qui s’ajoutent aux 4,2 millions de personnes des conséquences de la pollution de l’air.
Problèmes connus
Les problèmes cardiaques et respiratoires en lien avec les particules fines sont les plus documentés.
«Dans les pays à revenu élevé comme le Canada, environ le tiers des maladies cardiovasculaires seraient causées ou aggravées par la pollution atmosphérique», souligne Mme Elsener.
«On n’a pas trouvé de concentration à laquelle il n’y a aucun risque pour la santé, précise le docteur Philippe Robert, de la direction de la santé publique du CIUSSS de Capitale-Nationale. Même aux niveaux qu’on voit au Québec il y a des impacts sur la santé».
«Le gros des impacts de la pollution de l’air est le fait d’être exposé chroniquement pendant des années à de petites concentrations», ajoute-t-il.
Le spécialiste convient que la qualité de l’air au Canada et au Québec est « meilleure qu’à d’autres endroits dans le monde».
«Mais même si on dit que la qualité de l’air peut être bonne, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’impact pour la santé», poursuit-il.
Il cite en exemple une étude réalisée sur la population de Toronto qui estime que 90 % des impacts de la qualité de l’air étaient dus aux journées où la qualité de l’air était qualifiée de «bonne».
«Donc si on veut réduire les impacts sur la santé, il faut ne pas juste se concentrer sur les pires journées de smog», dit-il.
- Les particules fines (PM2,5) sont des aérosols en suspension et dont le diamètre est inférieur à 2,5 micromètres. En comparaison, le diamètre d’un cheveu est d’environ 50 micromètres.
- Elles sont la principale composante du smog. Leur composition varie selon la source, la période de l’année et la météo. Au Québec, selon les données les plus récentes qui datent de 2011, les PM2,5 étaient principalement générées par le chauffage au bois (43,8 %), l’industrie (39,1 %) et le transport 16 %.
- Il n’existe aucun seuil minimal à partir duquel les particules fines n’ont pas d’effet sur la santé. Les normes ne protègent donc pas complètement la population.
- Dans un pays à revenu élevé comme le Canada, la pollution de l’air est associée à 33% des maladies cardiovasculaires, 16% des maladies pulmonaires obstructives chroniques et 8% des cancers des voies respiratoires, dit Johanne Elsener, citant un rapport de la commission Lancet sur la pollution et la santé.
- Les enfants, les personnes âgées, et ceux qui souffrent de maladies respiratoires chroniques (comme l’asthme) sont particulièrement sensibles aux effets des particules fines.
- «Il y a aussi des études qui montrent de plus en plus des liens avec le diabète, les naissances prématurées et des problèmes cognitifs», ajoute le Dr Philippe Robert.
- Les particules fines sont reconnues comme des cancérigènes par le Centre international de recherche sur le cancer.
- Les travaux d’Audrey Smargiassi, chercheuse associée à l’INSPQ, ont même démontré des associations entre les particules fines et le risque de démence.