Policiers de la SQ contre Radio-Canada: une présumée victime a livré différentes versions à une enquêteuse


Michael Nguyen
Une Autochtone qui avait affirmé à Radio-Canada avoir été maltraitée par des policiers de la Sûreté du Québec à Val-d’Or a plus tard livré des informations différentes à une enquêteuse, a-t-il été dévoilé au procès en diffamation de 3 M$ contre la société d’État.
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«Dans le reportage, elle parlait d’un événement survenu en hiver. Lors de notre rencontre, elle parlait du mois d’octobre en se référant à la date d’anniversaire d’un de ses enfants», a témoigné l’enquêteuse Brigitte Dufresne, ce jeudi, au palais de justice de Montréal.
L’enquêteuse de la police de Montréal est à la barre à la demande de 42 policiers provinciaux qui réclament 2,9 M$ à Radio-Canada en lien avec le reportage Abus de la SQ: des femmes brisent le silence, diffusé en 2015 à l’émission Enquête.
La journaliste Josée Dupuis y donnait la parole à des femmes autochtones de Val-d’Or, en Abitibi, qui affirmaient avoir été victimes de violences physiques et sexuelles de la part de policiers.
Les allégations avaient causé une onde de choc, poussant le gouvernement à déclencher une enquête indépendante, entre autres.
Contradictions
Ainsi, l’enquêteuse Dufresne a été appelée à se rendre à Val-d’Or, afin de fouiller l’allégation d’une femme autochtone voulant qu’elle ait été maltraitée par un patrouilleur avant d’être abandonnée dans le stationnement d’un Walmart.
Or, à la policière, la femme a donné des dates différentes de celles données à la journaliste. L’enquêteuse a ensuite parlé à une potentielle témoin, qui a de son côté donné des dates différentes. Des contradictions sont aussi survenues après avoir parlé à des amies de la femme autochtone.
Cette dernière s’est ensuite ravisée en affirmant avoir été abandonnée dans le stationnement du poste de police, et non dans celui du Walmart.
À la suite de cette enquête policière, le Directeur des poursuites criminelles et pénales avait choisi de ne pas déposer d’accusation, faute de preuve suffisante afin de mener à une condamnation.
Standards différents
Or, pour Radio-Canada, qui défend vigoureusement sa journaliste et le reportage, le témoignage de l’enquêteuse n’est pas pertinent.
«On ne peut pas comparer une enquête journalistique et [une enquête] policière», a affirmé Me Geneviève Gagnon.

Elle a ensuite rappelé que cette enquête policière est survenue après la diffusion du reportage d’Enquête, si bien qu’évidemment, sa journaliste n’avait pas pu avoir accès aux conclusions de l’enquêteuse.
L’avocat des policiers de la Sûreté du Québec, Me Marco Gaggino, a répliqué que la journaliste aurait très bien pu faire les mêmes démarches que la policière, par exemple en rencontrant les amies de la femme autochtone.

Le procès civil, devant le juge Babak Barin de la Cour supérieure du Québec, se poursuit toute la semaine.
Hier, trois policiers de Val-d’Or avaient témoigné de l’impact du reportage sur leur travail, disant avoir été étiquetés comme «abuseurs sexuels» alors que ce qui était allégué dans le reportage était complètement faux, selon eux.
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