«J’étais vu comme un abuseur sexuel»: des policiers de la SQ à Val-d’Or réclament 3 M$ à Radio-Canada


Michael Nguyen
Pour la toute première fois, un policier de la Sûreté du Québec à Val-d’Or s’est confié sur l’enfer que lui et ses collègues disent avoir vécu à la suite d’un reportage de l’émission Enquête, qui pourrait coûter près de 3 M$ à la société d’État.
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«Ma perception, c’est que j’étais vu comme un abuseur sexuel et non comme un policier. Combien de fois on m’a dit que j’étais un violeur... On avait peur pour notre sécurité, c’était rendu dangereux de travailler à Val-d’Or», a témoigné Maxim Baril, ce mercredi au palais de justice de Montréal.
L’agent, qui est à l’emploi de la police provinciale en Abitibi depuis 2009, témoignait dans le cadre de la poursuite en diffamation de 42 policiers contre Radio-Canada, en lien avec le reportage Abus de la SQ: des femmes brisent le silence diffusé en 2015 à l’émission Enquête.
![Luce Julien [en avant-plan], directrice générale de l'information de Radio-Canada, lors de son passage au palais de justice de Montréal ce mercredi 7 février 2024, dans le cadre du procès civil en diffamation de 42 policiers de Val-d’Or qui réclament 2,9 millions $ à Radio-Canada, en lien avec un reportage de l’émission Enquête paru en 2015.. PHOTO MICHAËL NGUYEN](/_next/image?url=https%3A%2F%2Fm1.quebecormedia.com%2Femp%2Femp%2F17615_0606032f541b00-5040-4eeb-8eb7-11787993c2a9_ORIGINAL.jpg%3Fh%3D1955%26impolicy%3Dcrop-resize%26w%3D2366%26width%3D1600%26x%3D953%26y%3D333&w=3840&q=75)
La journaliste Josée Dupuis y donnait la parole à des femmes autochtones de Val-d’Or en Abitibi, qui affirmaient avoir été victimes de violences physiques et sexuelles de policiers.
«Quand j’ai écouté ça, je n’en revenais pas, a dit l’agent Baril. Ça parlait de mon travail, ça disait que c’était pratique courante qu’on les maltraitait... Je ne pouvais pas croire ce qui se disait. Ça sortait de nulle part.»
Lien brisé
Le reportage avait créé une onde de choc, poussant le gouvernement à créer la commission Viens sur les relations entre Autochtones et les services publics.
«C’était en boucle dans les nouvelles, ça prenait de l’ampleur... c’est là que j’ai réalisé que ça allait changer nos vies, a-t-il témoigné. Des policiers pleuraient, on se demandait ce qui allait se passer, un collègue disait qu’il allait quitter le métier.»
Par la suite, il affirme que les relations entre les communautés et la police se sont dégradées.
«Le lien de confiance était brisé, a-t-il dit. Tout était à recommencer avec les communautés autochtones.»
Un autre agent, qui a témoigné juste après lui, a abondé dans le même sens.
«J’étais stressé, démoli, a témoigné Benoit Fortier. On est passé de “police de Val-d’Or” à “abuseurs de Val-d’Or”. On se faisait traiter d’agresseurs, de violeurs, de batteurs de femme. Ça blesse, ça use, ça démotive, ça cause du désengagement [policier].»
Ç'a ensuite été le tour de l'agent Guillaume Morin, qui a de son côté assuré que Radio-Canada avait diffusé « des choses pas vraies » selon lui.
Intérêt public
En contre-interrogatoire, l’avocate de Radio-Canada a toutefois tempéré les propos des policiers, rappelant que certains d’entre eux avaient admis que les relations entre policiers et Autochtones étaient déjà difficiles avant la parution du reportage.

La société d’État défend vigoureusement son reportage où, a-t-il été précisé, aucun policier n’a été nommé.
«L’intérêt public est incontestable, l’enquête [journalistique] a été faite dans les règles de l’art, ça a mené à des changements positifs dans notre société», avait affirmé d’entrée de jeu Me Geneviève Gagnon en rejetant toute idée de diffamation.
Le procès, devant le juge Babak Barin, se poursuit toute la semaine.
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