Poilievre termine la campagne comme il l’a commencée, sans alliés
À marquer dans son propre but, on perd la partie


Emmanuelle Latraverse
Cette campagne électorale devait donner les clés du pouvoir à Pierre Poilievre. Elle est plutôt en voie de se terminer comme elle a commencé: sur une fausse note.
On l’excusera, certes, de n’avoir jamais pensé que les pires coups viendraient des plus influents conservateurs au pays.
Un à un, ils l’ont affaibli: les premiers ministres conservateurs provinciaux, son mentor d’hier, les médias alternatifs de droite qui mènent sa croisade depuis des années.
Chacun a choisi le pire moment pour soulever des controverses évitables, transformant ses atouts en handicaps et laissant Poilievre dans une position défensive qu’il n’avait pas anticipée.
Tirs amis
La liste des petites et grandes trahisons est longue, trop longue pour avoir permis au chef conservateur de surmonter le vent de front de l’effet Carney.
Au jour 1, il y a eu ces commentaires de la première ministre de l’Alberta vantant ses affinités avec Donald Trump.
Au jour 5, le directeur de campagne de Doug Ford, Kory Teneycke, a dénoncé l’ineptie de la campagne conservatrice.
Puis au jour 11, Preston Manning, père spirituel du mouvement conservateur moderne, a brandi la menace à l’unité nationale si l’Alberta ne voyait pas enfin son champion accéder au pouvoir.
Au jour 17, Kory Teneycke en a remis une couche en accusant la campagne Poilievre de «faute professionnelle» pour avoir dilapidé une avance de 25 points dans les sondages. Et comme si ce n’était pas assez, Doug Ford lui a donné raison.
On croirait que la cour est pleine. Mais non.
Rebel News, qui milite pour des idées de droite depuis des lunes, a réussi à «voler le show» lors des débats des chefs.
Au lendemain de sa meilleure performance de la campagne, Pierre Poilievre est sur la sellette pour son silence obstiné sur la question. Il aurait dû être en train de tirer profit de ses bons coups de la veille.
Leadership
C’est ainsi que le chef conservateur semble en voie de terminer la campagne en se rabattant sur ses vieux réflexes.
Vendredi matin, il brandissait un pain tranché, pour dénoncer la réglementation sur le plastique à usage unique qui fera augmenter le coût de l’épicerie. Le parallèle avec Donald Trump et sa croisade contre les pailles en plastique est instantané.
D’un point de vue comptable, l’argument conservateur se défend. La réglementation sur le plastique risque de faire augmenter de 400$ par an le coût de l’épicerie d’une famille moyenne.
Mais la famille moyenne semble ailleurs. Les parents craignent de perdre leur emploi dans la guerre commerciale contre les États-Unis.
Pierre Poilievre dénonce souvent qu’un Québécois sur dix fréquente les banques alimentaires à cause de la crise du coût de la vie.
Dans le climat actuel, il devait convaincre des millions d’autres familles qu’il saurait leur éviter un tel sort en offrant le leadership nécessaire pour naviguer dans la crise actuelle.
Or c’est justement parce qu’il n’a pas su fédérer son propre camp idéologique qu’il peine à rallier les Canadiens.