Poilievre ou l’art de dépasser les bornes


Guillaume St-Pierre
Pierre Poilievre a gagné une manche contre la CBC, mais à quel prix ?
Le diffuseur public a quitté le réseau social Twitter, hier, fâché de s’être fait attribuer par Elon Musk le libellé de « média financé par le gouvernement ».
Musk, ce grand détesteur des journalistes qui répond avec une émoticône de tas de merde aux demandes médiatiques.
Pierre Poilievre avait demandé directement sur Twitter au milliardaire américain la semaine dernière de désigner la CBC comme telle.
Hier, il était fier de son coup.
« Maintenant, les gens savent que c’est de la propagande Trudeau, pas des nouvelles », a-t-il commenté.
Une alliance toute désignée pour deux hommes qui vouent un profond dédain à ceux qui osent leur poser des questions.
Radio-Canada a aussi quitté le navire. Et c’est bien ça le problème, pour le chef conservateur.
L’histoire se répète
Car Poilievre est en guerre ouverte depuis des mois contre la CBC. Mais il prend soin de laisser Radio-Canada tranquille.
Sa guerre contre le diffuseur public se fait en une seule langue officielle, l’anglais.

En gros, il croit que comme le français est minoritaire, les francophones méritent un service public mieux garni que les anglos.
Voulu ou pas, son combat contre la CBC vient d’allumer un feu au Québec et chez les francos du reste du pays.
Pierre Poilievre a déjà une énorme pente à remonter ici. Ce n’est pas avec ce genre de manchettes qu’il se facilitera la vie.
Ne se souvient-il pas des coupes en culture qui avaient ruiné les chances de Stephen Harper de faire des gains au Québec ?
Ses députés québécois ont d’ailleurs rasé les murs du parlement, hier.
Justin Trudeau, lui, semble se souvenir des déboires de Harper au Québec.
Il a bien pris soin de lier Radio-Canada à la CBC avant de déclarer qu’on « ne peut pas faire confiance aux conservateurs [car] ils s’attaquent régulièrement à la culture, à l’identité, au journalisme indépendant de qualité ».
Cela ne veut pas dire que le diffuseur public est parfait, loin de là.
Dérapages
Il y a mille choses à dire sur la CBC et Radio-Canada.
On peut parler de son mandat, de son mode de financement, de ses publicités déguisées, de ses publicités tout court, de la concurrence déloyale avec le privé, des frais supplémentaires pour accéder à TOU.TV.
On peut parler de sa propension à tendre à gauche, à épouser l’idéologie multiculturaliste à tout crin et une certaine vision activiste de la justice sociale, particulièrement dans le Canada anglais.
Cela a conduit à de curieux dérapages, dans les dernières années.
Dans un reportage devenu célèbre pour les mauvaises raisons, la CBC nous apprenait qu’on ne devrait plus utiliser le mot « brainstorm » pour ne pas offenser ceux qui ont des problèmes au cerveau.
Plus récemment, le National Post a rapporté que des employés ont découvert avec stupeur que de l’information sur leur orientation sexuelle, leur sexe et leur religion, a été ajoutée à leur profil d’employé sans leur consentement.
Tout cela parce qu’ils ont eu le malheur de participer à un sondage interne visant à améliorer la diversité en sein de l’entreprise.
On peut comprendre les conservateurs de Pierre Poilievre d’être parfois agacés par notre diffuseur.
Bienvenue dans le club.
Erreur sur la personne
Il était trop indépendantiste pour Trudeau père et Jean Chrétien, et pas assez conservateur pour Stephen Harper.
Sa PDG, Catherine Tait, lui a donné des raisons de maugréer davantage, avec une sortie publique extrêmement mal avisée en février dernier.
La grande patronne de la CBC/Radio-Canada a accusé Pierre Poilievre de financer son parti sur son dos avec sa campagne pour « définancer la CBC ».
Rien pour baisser la température.
Mais Pierre Poilievre, fidèle à son habitude, en a donné plus que le client en demandait.
Il soutient, sans rire, que le diffuseur public est un organe de « manipulation » et de « désinformation » de masse au service du gouvernement libéral.
Ironiquement, cela n’empêche pas son parti de citer abondamment et quasi quotidiennement les reportages des médias d’information, dont CBC, qui révèlent les travers du gouvernement fédéral.
Trouvez l’erreur.