Piscines Élégance a mis sur pied un «système pour arnaquer et surfacturer» des clients, affirme le tribunal
La cour condamne l’entreprise et son propriétaire, Dominic Flamand, à payer plus de 42 000$ à un client floué


Kathryne Lamontagne
Un installateur de piscines de Québec qui a fait les manchettes pour avoir menacé des clients qui refusaient de payer des extras faramineux a mis sur pied un «système pour arnaquer et surfacturer» des consommateurs, vient de trancher la Cour supérieure.
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Piscines Élégance et son propriétaire, Dominic Flamand, ont «clairement et de façon volontaire [...] érigé un système de surfacturation pour s’enrichir», estime le juge Carl Lachance dans une décision rendue lundi à l’issue d’une poursuite civile.
Le sous-traitant régulier de l’entreprise, Excava Plus, propriété de l’ancien trafiquant de drogue Patrick Laurendeau, était aussi partie prenante du «plan pour excaver de façon plus profonde afin de facturer des extras à leurs clients», renchérit la Cour supérieure.
Le tribunal se penchait sur le cas de Simon Comtois, qui a retenu les services de Piscines Élégance, en septembre 2021, pour réparer sa piscine endommagée. Les travaux étaient alors estimés à quelque 18 400$.
Le chantier s’est déroulé du 4 au 13 octobre 2021, après quoi Piscines Élégance a émis une facture de près de 145 000$, donc 80 000$ pour l’excavation.
«Le prix final est sept fois plus élevé que le prix initial», souligne le magistrat.
Excavation «non nécessaire»
Simon Comtois a refusé de payer la totalité de cette facture. Devant la cour, Dominic Flamand réclamait ainsi 103 000$ à son client. Piscines Élégance soutenait que son sous-traitant avait dû excaver davantage et remplir pas moins de 37 camions de sols contaminés lors des travaux. Il s’agissait là d’un extra «insoupçonnable», selon lui.
Or, «la preuve experte établit que le travail d’excavation à une profondeur et une largeur excédentaire était inédit et non nécessaire», écrit le magistrat.
À titre de comparaison, le premier installateur de piscines chez M. Comtois aurait creusé à une profondeur de cinq pieds et demi. Piscines Élégance, elle, aurait fait creuser six pieds de plus. L’excavation a été telle qu’un lac s’est créé sous la piscine et que l’eau s’y accumule continuellement, selon un témoin expert.
Au surplus, les travaux effectués n’ont pas permis de régler le problème initial du client. La piscine s'affaisse toujours et il faudra quelque 22 600$ de travaux supplémentaires pour corriger le tout, peut-on lire.
Des «tactiques» pour surfacturer
C’est Patrick Laurendeau, d’Excava Plus, qui supervisait le chantier. Ce dernier brillait par son absence du tribunal.
«Laurendeau n’a pas témoigné fort vraisemblablement parce que sa version aurait nui, d’autant que plusieurs clients se sont plaints à la Régie du bâtiment du Québec des tactiques d’Excava Plus pour de la facturation d’extras dans des cas similaires», écrit le juge Lachance.
Durant le procès, il a été mentionné que la RBQ avait mené une enquête sur les pratiques d'Excava Plus, rencontrant les clients de huit chantiers ouverts entre 2020 et 2022.
«Dans chacun des cas, les faits sont similaires [...] L’excavation est trop profonde et large par rapport à ce qui est requis [...] Les extras représentent parfois plus du double du prix de la soumission», écrit le juge, qui rappelle que la RBQ a depuis suspendu le permis d’Excava Plus.
«Conduite fautive»
De l’avis du tribunal, le témoignage de Dominic Flamand «n’est pas fiable et sa crédibilité douteuse». Piscines Élégance aurait dû renseigner adéquatement son client sur le montant des extras, le contraire constituant une «conduite condamnable et fautive».
Dominic Flamand a ainsi «manqué à son devoir de bonne foi» et imaginé un «système pour que sa compagnie abuse de ses clients», conclut le magistrat. Le tribunal a ainsi rejeté la poursuite de 103 000$ amorcée par Piscines Élégance et plutôt condamné l'entreprise et son propriétaire à verser plus de 42 000 $ à Simon Comtois.
Rappelons que le Bureau d’enquête a révélé, en début d’année, que Piscines Élégance et Excava Plus auraient menacé des clients qui refusaient de payer les dizaines de milliers de dollars en extras facturés sans avertissement ni justification.
Piscines Élégance fait actuellement face à une douzaine de poursuites civiles, en lien avec des clients s’estimant floués. Dans un cas de 2022, l’entreprise a d’ailleurs facturé 177 000$ d’extra sur une facture de 92 000$.
Le fisc lui réclame près de 60 000$
Les dettes et les soucis s’accumulent pour Piscines Élégance, alors que Revenu Québec lui réclame maintenant près de 60 000$.
Selon des documents obtenus par notre Bureau d’enquête, Piscines Élégance devrait ainsi plus de 56 000$ au fisc québécois en taxes et quelque 2300$ en impôts, pour les années 2022 et 2023.
En juin, notre Bureau d’enquête révélait aussi que l’État avait pris en garantie la résidence du propriétaire de Piscines Élégance, Dominic Flamand. Le Procureur général du Québec lui réclamait alors plus de 14 000$ pour six contraventions impayées au cours des dernières années.
Rappelons que Piscines Élégance a fait les manchettes, en début d’année, pour avoir fait vivre un cauchemar à plusieurs clients qui avaient retenu ses services pour l’installation de leur piscine creusée.
Le site web, la page Facebook ainsi que les locaux de l’entreprise sont aujourd’hui fermés. À la fin du mois de mars dernier, Dominic Flamand a incorporé une nouvelle compagnie spécialisée dans l’installation de piscines nommée «Fibre de verre Pro».
Avec Philippe Langlois
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