Pierre Poilievre, un original ou un Trump 2.0?


Hugo Duchaine
Les sondages prédisent que le chef du Parti conservateur Pierre Poilievre pourrait devenir le prochain premier ministre du Canada. Pourtant, une aura de mystère plane encore sur lui, même s’il siège à la Chambre des communes depuis 20 ans. Le Journal s’est rendu dans la province qui l’a vu grandir, l’Alberta, dans sa circonscription rurale d’Ottawa, et parlé à de nombreux ex-collaborateurs pour tenter de percer l’énigme Poilievre.
Les détracteurs de Pierre Poilievre le comparent à l’ex-président américain Donald Trump pour dénoncer ses attaques personnelles et ses slogans. Mais les comparaisons s’arrêtent là, selon plusieurs experts.
Que ce soit pour traiter la mairesse Valérie Plante d’«incompétente» ou Justin Trudeau de «wacko», Pierre Poilievre ne fait dans la dentelle, ou même le respect, pour dénoncer leurs politiques.
Sur le terrain, il martèle «axe the tax» (abolir la taxe) ou «fix the budget» (réparer le budget), par exemple, s’assurant de limiter sa plateforme électorale à trois mots simples.
Date pas d’hier
Des techniques qui rappellent le style du milliardaire américain, mais qui ne datent pas d’hier chez Pierre Poilievre. Jeune militant conservateur, il surnommait Joe Clark «Jurassic Joe» parce qu’il le trouvait vieux ou il imitait Jean Chrétien dans un rassemblement partisan, peut-on lire dans une biographie d’Andrew Lawton, désormais candidat conservateur, publiée ce printemps.
«Ce n’est pas un mini-Trump, mais plus un produit de la droite de l’Ouest canadien [...] Son style populiste, qui dénonce les élites d’Ottawa ou médiatiques», explique Frédéric Boily, politologue à l’Université de l’Alberta.
Une droite bien ancrée au pied des Rocheuses de l’Alberta, mais aussi fortement influencée par la droite américaine, concède-t-il.
Intelligent et travaillant
Mais les comparaisons s’arrêtent là. Pour de nombreux ex-collègues interrogés par Le Journal, il ne fait aucun doute que Pierre Poilievre est un homme intelligent, travaillant et sans le caractère imprévisible de Trump.
«Pierre est intelligent, il travaille fort, il n’a rien d’un Trump qui dit tout et n’importe quoi», assure son ami et entraîneur personnel Tony Greco. Mais dans la même conversation, il souligne que le chef conservateur est celui qui pourra «make our country great again» (rendre au Canada sa grandeur), reprenant sans ironie le slogan de Donald Trump.
À mots couverts, d'ex-proches du Parti conservateur s’inquiètent néanmoins de sa façon de courtiser certains groupes extrémistes, comme le convoi qui paralysé Ottawa en 2022 ou un campement Diagolon, surtout pour l’environnement et les attentes que cela peut créer autour d’un futur gouvernement.
On fait remarquer que Pierre Poilievre est plus agressif ou hargneux sur les réseaux sociaux, alors qu’il se présente de façon posée et raisonnable lors d’entrevues à la télé, par exemple.
Élite ou pas?
Pierre Poilievre critique les élites, malgré un confortable salaire de député qu’il reçoit depuis 20 ans. Il lance aux entreprises de laisser tomber leurs lobbyistes, mais sa garde rapprochée en est composée, par exemple. Et selon la biographie d'Andrew Lawton, publiée au printemps, il déteste le café Tim Hortons, symbole du Canadien de la classe moyenne.