Pierre Poilievre l'«antiwoke»: qu’attend sa base de lui?


Hugo Duchaine
Les sondages prédisent que le chef du Parti conservateur Pierre Poilievre pourrait devenir le prochain premier ministre du Canada. Pourtant, une aura de mystère plane encore sur lui, même s’il siège à la Chambre des communes depuis 20 ans. Le Journal s’est rendu dans la province qui l’a vu grandir, l’Alberta, dans sa circonscription rurale d’Ottawa, et parlé à de nombreux ex-collaborateurs pour tenter de percer l’énigme Poilievre.
Pierre Poilievre a maintes fois pris ses distances des militants antiavortement ou homophobes, que son parti traîne comme un boulet depuis des années. Il a trouvé un nouveau filon, s’attaquant plutôt au wokisme et à l’identité de genre.
«Même ici, en Alberta, les questions sur l’avortement ou l’homosexualité ne sont pas forcément au premier plan», remarque le politologue Frédéric Boily, à Calgary.
La droite parle plutôt des soi-disant droits parentaux, qui n’existent pas légalement, en lien avec les jeunes trans. «Ça touche l’école et le rapport aux parents. Ça déborde de la droite sociale et religieuse et ce n’est pas polarisant comme l’avortement», explique-t-il.

Pierre Poilievre se décrit aussi comme un «antiwoke», ce qui est plus porteur électoralement selon M. Boily.
En Alberta, l’organisme Parents for Choice in Education milite contre l’éducation sexuelle et des identités de genre.
Au téléphone, son directeur général, John Hilton-O’Brien, se dit apolitique. Cependant, il affirme que Pierre Poilievre est celui qui risque le moins d’intervenir en éducation et qu’il pourrait cesser le financement aux groupes antihaine qui lui rendent la vie plus difficile.
Ça revient toujours
Mais le spectre de l’avortement n’est jamais loin. En Alberta, le Parti conservateur compte des députés très farouchement opposés à l’avortement, comme Arnold Viersen, qui a participé à des marches sur la colline Parlementaire.
Pierre Poilievre a même dû le sermonner publiquement cet été, après une apparition controversée du député à un podcast, et réitérer son appui à l’avortement.
Pas un enjeu
Pour le commentateur albertain Ryan Jespersen, l’électeur moyen en Alberta ne veut pas revenir en arrière sur l’avortement ou le mariage gai, malgré quelques députés «qui en parlent».
«Pour les Albertains, les attentes sont plus de savoir comment la province serait traitée, et si ce traitement sera plus juste», dit-il, ajoutant qu’ils pourraient être déçus.
Selon lui, un gouvernement Poilievre ne risque pas de changer ou renverser la péréquation, qui fait rager les contribuables de l’Ouest, par exemple.

Inquiets par l'immigration
Lors d'un rassemblement à Montréal cet été, où Le Journal s'est rendu, les partisans de Pierre Poilievre vantaient son style sans compromis et son humour au dépens de ses adversaires. Ils dénonçaient les dépenses du gouvernement Trudeau. D'autres, pourtant eux-mêmes des immigrants s'étant installés au Québec il y a plusieurs années, s'inquiétaient de l'immigration, véhiculant les clichés souvent entendus au sujet de «parasites».