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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Pierre Poilièvre et Radio-Canada

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Photo portrait de Guy Fournier

Guy Fournier

2022-03-22T09:00:00Z
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Pierre Poilièvre, qui deviendra peut-être chef du parti conservateur, n’a pas la langue de bois.

Il ne s’oppose ni à l’avortement ni au mariage gai. Il n’interviendra pas non plus contre la loi québécoise sur la laïcité de l’État. Il est en faveur de nouveaux oléoducs et d’une plus grande exploitation de nos énergies fossiles afin de réduire notre dépendance de l’étranger. Il est contre la taxe carbone, contre un registre des armes à feu et contre l’augmentation du déficit national. Enfin, il est contre... la CBC ! Lundi matin (hier), à l’émission Tout un matin, Poilièvre n’a pas mâché ses mots lorsque Patrick Masbourian lui a demandé ce qu’il prévoit pour Radio-Canada.

S’il devient premier ministre, le réseau anglais fermera boutique. Le candidat à la chefferie du parti conservateur ne voit aucune raison de « dépenser des centaines de millions pour un réseau qui n’apporte rien de plus que CTV et Global ». Son silence au sujet du réseau français est assez inquiétant. Seul le Réseau français d’information continue (RDI) semble trouver grâce à ses yeux. Né en Saskatchewan et adopté en bas âge par une famille francophone, Poilièvre sait l’importance d’une télévision de langue française pour les francophones hors Québec.

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C’est triste de l’écrire, mais la disparition de la CBC ne serait pas perçue comme une tragédie au Canada anglais. Elle susciterait quelques sursauts de patriotisme chez les personnes plus âgées, perturberait l’élite torontoise, et quelques millions d’Ontariens déchireraient leurs chemises pour une semaine ou deux. Puis la majorité continuerait de syntoniser CTV et Global. Chroniqueurs et journalistes seraient enfin libres de commenter la télé américaine, Netflix, Disney, HBO et autres sans se sentir coupables.

  • Écoutez Pierre Poilièvre en entrevue à l’émission de Philippe-Vincent Foisy diffusée chaque jour en direct 6 h via QUB radio : 

LES ANGLOS TIENNENT À LA RADIO

Je ne sais quels sont les plans de Poilièvre pour la radio de la CBC, mais s’il lui coupait aussi les vivres, il risquerait d’avoir des ennuis. Les Anglos n’ont que faire de la télévision de CBC, mais ils tiennent à sa radio. C’est le ciment qui les unit « from coast to coast to coast » ! Au Québec, c’est l’inverse. Les Québécois ne sont pas très attachés à la radio de Radio-Canada, mais ils tiennent mordicus à sa télévision. Ils se rebelleront si Poilièvre les réduit à RDI, surtout que ce n’est pas leur chaîne d’information favorite.

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La remontée des partis conservateurs dans le monde comme au Québec – on n’a qu’à regarder les sondages du parti d’Éric Duhaime – et le peu d’enthousiasme que suscite la candidature de Jean Charest sont de bon augure pour Pierre Poilièvre. Mais c’est de très mauvais augure pour CBC/Radio-Canada et ceux qui croient à la télévision publique.

UNE VRAIE TÉLÉVISION PUBLIQUE

Mais pas n’importe laquelle ! Une télévision publique, débarrassée du poids de la publicité, sinon en entier du moins en partie. Une télévision publique qui ne serait centrée ni à Toronto ni à Montréal, mais qui refléterait toutes les régions du pays. Une télévision publique qui ne tenterait pas de déloger les télévisions privées de leurs plates-bandes, mais occuperait celles qu’elles n’ont pas les moyens d’occuper. Une télévision, néanmoins divertissante, qui s’adresserait à l’intelligence des téléspectateurs, qui ferait avancer leurs connaissances et progresser leur sens social.

Si le parti conservateur prend le pouvoir avec Pierre Poilièvre à sa tête, le gouvernement Trudeau, favorable à la télévision publique, n’aura qu’à s’en prendre à lui pour n’avoir pas donné suite aux recommandations du comité de Janet Yale. Elles auraient pu transformer notre télévision publique et la mettre à l’abri des coups pour des années à venir. 

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