Pierre Bruneau: une moralité à toute épreuve


Guy Fournier
Même si tout semble avoir été dit sur Pierre Bruneau, je voudrais encore en ajouter.
Je ne suis pas un ami intime de cet homme que vient de célébrer l’Assemblée nationale du Québec. En fait, je le connais surtout pour l’avoir rencontré plusieurs fois au théâtre, en compagnie de sa femme, Ginette, et assez souvent aussi dans des dîners ou des réceptions mondaines. Chaque fois, nous avons causé. Parfois brièvement, parfois plus longuement lorsque le temps nous le permettait. C’est ainsi que petit à petit, de fois en fois, je pense m’en être fait un ami. Je suis un secret admirateur de sa femme. Aussi gentille que discrète, plus modeste qu’il ne serait souhaitable, Ginette St-Cyr est de ces femmes qui cèdent d’abord le pas à leur mari.
Affable et empathique, elle est loin d’être sans mérite. Elle aurait pu devenir chanteuse, comédienne même, mais elle a choisi de rester au foyer et de veiller sur son mari et ses trois enfants. Elle a vécu la mort de son fils Charles après dix ans d’un courageux combat contre la leucémie. Elle est aux côtés de Pierre chaque fois qu’il tend la main pour recueillir des fonds pour la fondation qui porte le nom de leur fils. Elle a gravi avec Pierre le mont Kilimandjaro et accompli mille autres gestes pour enrichir ce qui s’appelle maintenant la Fondation du Centre de cancérologie Charles Bruneau de l’Hôpital pour enfants de Montréal. J’ai appris tout récemment qu’elle chante dans les chœurs d’orchestre depuis une quarantaine d’années. Ce n’est pas elle qui me l’a dit, c’est Pierre.
L’AUTHENTIQUE RECORDMAN
De quoi est donc fait ce chef d’antenne pour qu’on le couvre de tant honneurs ? Soit ! c’est celui qui est resté le plus longtemps au poste. Jusqu’à ce que je fasse les comptes, je croyais que c’était Lloyd Robertson, chef d’antenne de CBC jusqu’en 1976, puis hôte de CTV News avec Harvey Kirk jusqu’en 1984 et seul par la suite jusqu’en septembre 2011. Malgré le fait qu’il soit resté à l’écran plus longtemps que Walter Cronkite, Robertson n’y fut que 41 ans. Même si les annales télévisuelles continuent de prétendre que ce dernier détient le record absolu de longévité, c’est Pierre Bruneau l’authentique recordman avec ses 45 ans comme chef d’antenne. Est-ce un clin d’œil que lui fait Pierre Bruneau lorsqu’il termine tous ses bulletins par : « C’est ainsi qu’on a vu cette journée du... », version presque littérale de la signature de Robertson : « An that’s the kind of day it’s been ! » ?
UNE MORALITÉ À TOUTE ÉPREUVE
Rien n’impose à un chef d’antenne une moralité à toute épreuve, mais c’est l’évidence même que la première incartade ou le moindre soupçon entachent sa crédibilité. Peter Mansbridge, le recordman de la CBC (29 ans), fut accusé de prononcer des conférences grassement rémunérées lorsqu’il était en poste. On a dit aussi que la CBC avait menti sur son salaire. En fallait-il plus pour jeter une ombre sur toutes les années de service de Mansbridge ?
C’est dans cet environnement fragile et dans cette maison de verre que vivent les chefs d’antenne. À plus forte raison depuis qu’existent les réseaux sociaux, ces moulins à rumeurs qui n’arrêtent jamais de tourner. La désinformation est devenue telle qu’aucun réseau de télévision ne saurait garder comme chef d’antenne un homme ou une femme qui ne serait pas au-dessus de tout soupçon. Pierre Bruneau est de cette trempe. Sa femme aussi !