Phillip Danault: un coup de circuit pour les Kings

Nicolas Cloutier
Tout réussit à Phillip Danault à Los Angeles! Son compagnon de trio Trevor Moore connaît la saison de sa carrière à sa gauche. L'an passé, les Kings rataient les séries pour une troisième fois de suite, et voilà qu'avec lui, ils occupent le deuxième rang de la section Pacifique. Après 52 matchs, le Québécois, que l'on daigne utiliser en avantage numérique, a déjà fracassé son record personnel avec 16 buts.
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Avec le recul, ne pas avoir réussi à retenir les services de Danault semble être l'une des plus grandes erreurs de l'ex-DG du CH Marc Bergevin, qui a ironiquement retrouvé du boulot au sein de la formation californienne. Du côté des Kings, le contrat de 33 millions qui a été consenti à Danault, remis en question au moment de la signature, commence à ressembler à un coup de génie.
«Danault est tout ce que l'on croyait obtenir, souligne l'entraîneur-chef des Kings, Todd McLellan, au TVASports.ca. Il s'est très bien mêlé à notre groupe. Tu remarques sa maturité, sa façon de se comporter en professionnel; c'est un joueur brillant qui comprend rapidement les choses. Nous lui donnons d'excellentes notes pour chacun des éléments susmentionnés. Il arrive dans le vestiaire et ça se voit qu'il a de l'expérience dans cette ligue.»
Jusqu'ici, Danault gagne son pari sur toute la ligne, tant sur la glace, où les Kings remportent des matchs, qu'à l'extérieur de celle-ci où on l'accusait d'être cupide et de surestimer sa valeur. Si le Canadien s’est terriblement ennuyé de Danault cette saison, Danault, lui, ne s'est probablement pas ennuyé du Canadien.

«Je me souviens de la première fois qu'on (les journalistes) lui a parlé. Il était comme : "Ah ouais, aucune question en français?", raconte au TVASports.ca le journaliste Dennis Bernstein, qui couvre les Kings pour le magazine The Fourth Period. Ici, personne ne va conduire en sens inverse dans un sens unique pour aller te crier après. Il a juste l'air d'un gars comme un autre qui se promène le long de Manhattan Beach.»
Danault manque particulièrement à Brendan Gallagher, qui ne revendique que quatre buts en 35 matchs depuis le départ de son joueur de centre pour la Californie. Gallagher et Tomas Tatar ont tous les deux connu la meilleure saison de leur carrière en évoluant avec le Victoriavillois. Et le même phénomène se produit à Los Angeles, où Trevor Moore, un ailier marginal qui n'avait pas réussi à s'établir avec les Maple Leafs de Toronto, a trouvé un second souffle lorsqu'il a été jumelé au numéro 24.
Moore, 26 ans, a atteint le plateau des 30 points pour la première fois de sa carrière cette saison. Il a récolté neuf buts et 21 aides jusqu'ici en 54 rencontres. Moore, Danault et Viktor Arvidsson font des flammèches depuis que leur entraîneur-chef, Todd McLellan, les ont réunis sur le deuxième trio des Kings.
L'effet Danault
«Je dois donner du crédit à Phil pour la saison que je connais, reconnaît Moore au TVASports.ca. C'est l'un des compagnons de trio les plus faciles avec qui jouer. Il est toujours au bon endroit. Quand je joue avec Phil et que je sors avec la rondelle, il est toujours bien positionné, de sorte que je n'ai jamais à effectuer la sortie de zone tout seul. Quand tu peux traverser la zone défensive et la zone neutre de cette façon, tu peux passer plus de temps dans le territoire adverse. Donc, c'est un facteur énorme, c'est sûr.»
«La production offensive de Moore est directement liée à Phil, corrobore de son côté Dennis Bernstein. Dans une équipe championne, Moore est probablement un joueur de troisième trio, mais il est productif au sein de cette équipe parce que le sens du jeu de Phil est tellement aiguisé. C'est un joueur vraiment rusé. Il sait comment alimenter les gars.»

Il n'y a pas à dire, Danault a contribué à changer complètement la dynamique chez les Kings, une équipe qui est redevenue compétitive après quelques années dans les bas-fonds. Les Kings ne sont plus l'affaire d'un seul trio maintenant qu'il pilote la deuxième unité, et sa présence permet au prometteur Quinton Byfield de se développer à son rythme, sans être jeté dans la fosse aux lions. Qui plus est, Danault a soulagé Anze Kopitar d'imposantes responsabilités défensives.
«Je croyais que les Kings allaient récolter 90 points et finir autour du huitième ou neuvième rang dans l'Ouest, confie Bernstein. S'ils continuent à jouer de cette façon, ils pourraient très bien être des séries. Ils ont dépassé mes attentes et cela a beaucoup à voir avec Phil. Depuis les belles années de Jeff Carter, les Kings n'avaient pas misé sur un deuxième centre aussi efficace.»
«La constance de son jeu est remarquable, note l'entraîneur-chef des Kings, Todd McLellan. Son habileté à tuer des jeux en défensive soir après soir après soir m'impressionne. On savait ce que l'on obtenait en le mettant sous contrat, mais un peu comme lors de ma première saison avec Kopitar, j'ai développé une appréciation différente de son jeu quand j'ai eu la chance de le diriger sur une base régulière. Kopitar et Danault bénéficient de la présence de chacun. Quand Danault assume des responsabilités défensives, cela force l'équipe à ajuster ses confrontations. C'est pour ça que tu vois les deux joueurs connaître plus de succès cette saison.»
Beaucoup plus qu'un plombier
La saga du rôle de Phillip Danault a été fort documentée au Québec. À long terme, le Canadien de Montréal voyait Danault comme un troisième centre à vocation défensive derrière les Nick Suzuki et Jesperi Kotkaniemi (que les Hurricanes de la Caroline ont fini par arracher au moyen d'une offre hostile).
Danault, lui, croyait en ses habiletés et se voyait en mesure d'occuper un rôle davantage axé sur l'attaque. Cette différence de vision entre le joueur et l'organisation est l'un des facteurs qui a certes mené au départ de Danault pour la Californie.
Il a obtenu ce qu'il voulait avec les Kings, qui lui ont donné les clés du deuxième trio, mais aussi, des minutes sur la deuxième vague de l'attaque à cinq, privilège auquel il n'avait pratiquement jamais droit à Montréal.

Ainsi, de 2020-2021 à 2021-2022, sa moyenne de temps en jeu en avantage numérique est passée de 19 secondes à près de deux minutes (1:48).
«Quand on l'a mis sous contrat, ce n'était pas seulement pour son efficacité en tant que joueur défensif, explique son entraîneur-chef Todd McLellan. Les Kings croyaient qu'il pouvait en offrir plus sur le plan offensif et j'y croyais personnellement, moi aussi.»
«À son arrivée, les gens parlaient de lui comme un joueur défensif qui affrontait les meilleurs trios de l'autre équipe, se rappelle son compagnon de trio Trevor Moore. Puis tu le vois à l'oeuvre à l'entraînement et tu te rends compte qu'il protège si bien sa rondelle et qu'il est capable de marquer des buts. Je présume qu'il se sent davantage en confiance maintenant de tenter sa chance, de décocher un tir.»

«Les gars l'adorent»
Phillip Danault a un petit côté bout-en-train qui le rend attachant auprès de ses coéquipiers: les partisans montréalais l'ont vu ingurgiter sans gêne une pointe de pizza après que le Canadien eut éliminé les Golden Knights de Vegas en six matchs, le soir de la Saint-Jean-Baptiste, pour atteindre la finale de la Coupe Stanley.
Il n'a pas trop tardé à se faire des amis dans le vestiaire des Kings, apparemment.
«C'est un petit ricaneur (goofball), explique Trevor Moore en riant. Il est toujours heureux, jamais frustré. Sa compagnie est plaisante. Il va se joindre à une conversation et simplement se mettre à sourire puis ça va te faire rire. C'est difficile à expliquer. Je le vois le matin et il me fait glousser de rire.»
«Les gars l'adorent, indique le journaliste Dennis Bernstein. Il est très modeste. C'est simplement un très bon gars. Toujours en train de sourire, heureux d'être là. Il est reconnaissant pour tout.»
Loin des projecteurs
À bien des égards, Los Angeles était une destination parfaite pour Danault. Son style de jeu correspond bien à la mentalité de cols bleus de l'équipe sur la patinoire. Et le climat et l'ambiance décontractée, propice à la détente de Los Angeles lui permettent d'être lui-même, de mener tranquillement sa vie de père de famille, loin des projecteurs. Parmi les géants que sont Lebron James et Aaron Donald, Danault n'est qu'une personne comme les autres.
«C'est un leader silencieux, résume Bernstein. Il est tellement un bon gars que l'un des surnoms de son trio est "the nice line". Moore, Arvidsson et lui, ce sont tous de bons gars.»
Malheureusement pour le Canadien, le «bon gars» est passé à autre chose.