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L'article provient de Le Journal de Montréal
Affaires

Peut-on vraiment mater les géants américains?

Ottawa voulait imposer aux géants du web une taxe sur les revenus réalisés au Canada

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Photo portrait de Francis Gosselin

Francis Gosselin

2025-07-07T04:00:00Z
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Ottawa voulait imposer aux géants du web une taxe sur les revenus réalisés au Canada, peu importe quel stratagème ils utilisent pour ne pas déclarer de profits ici.

Il aura fallu moins de trois jours pour qu’un projet de loi mûri de longue date par Ottawa sur une taxe sur les services numériques finisse à la poubelle.

Comme souvent, l’idée n’est pas mauvaise. Tout est dans l’exécution. Et, cette fois-ci, force est d’admettre que l’administration Carney a bâclé.

Équilibrer le terrain de jeu

Il y a quelque chose d’étrange à voir ces entreprises prendre nos données, nos infrastructures, nos marchés, et ne pas payer le moindre sou d’impôt.

L’idée était donc d’établir un terrain de jeu un petit peu plus équitable avec les entreprises locales: alors que les GAFAM sont passés maîtres dans l’art de l’évitement fiscal, les entreprises canadiennes sont tenues d’exiger les taxes de vente, puis de payer 26,5% d’impôt sur leurs profits.

Il est difficile pour nos entreprises d’être compétitives dans ce contexte.

Et, comme c’est souvent le cas, il était plus simple d’ajouter de nouvelles taxes que d’en enlever. Plutôt que de réduire le fardeau fiscal sur les entreprises canadiennes, taxer les sociétés étrangères peut sembler une bonne idée.

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Emmerder les Américains, rétroactivement

Le hic, c’est que 90% des entreprises visées par cette nouvelle taxe sont américaines. Dans le contexte actuel de négociations canado-américaines, l’adoption de cette loi a été perçue comme une provocation.

Elle l’était d’autant plus que, contrairement à n’importe quelle politique fiscale normale, le Canada s’est acharné à vouloir rendre cette taxe rétroactive.

Imaginerait-on la réaction des citoyens si une augmentation de nos impôts devait s’appliquer depuis 2022? Vous accepteriez de payer de l’impôt sur les trois dernières années de revenus, vous?

Sûrement pas.

Une erreur de débutant ou un test qualifié?

Donald Trump aime rappeler régulièrement qu’il a «toutes les cartes en main» dans les négociations. Il l’a répété souvent, avec Volodymyr Zelensky, avec Mark Carney et avec d’autres.

Pour avoir une meilleure main, l’offensive sur les GAFAM aurait dû exiger beaucoup plus de préparation.

On a vu, par exemple, dans le domaine des résultats de recherche, des blogueurs, influenceurs et critiques gastronomiques se liguer contre Google qui proposait des résumés plutôt que l’accès direct aux pages web. Cela touchait les acteurs du milieu, qui perdaient des revenus.

Ils se sont organisés et ensemble, avec le poids du nombre, ont fait inverser la décision de Google.

Il est difficile de comprendre ce qui a mené l’équipe de Mark Carney à aller de l’avant seule avec ce projet de taxe.

Partout dans le monde, les pays s’organisent.

Mais, pour imposer une taxe numérique, comme l’ont fait les Anglais, les Australiens et, bientôt peut-être, l’Europe tout entière, nous sommes plus forts si nous agissons ensemble.

Nous sommes face à des entreprises titanesques, qui écrasent leurs compétiteurs et les États qui leur tiennent tête. Elles achètent, à coups de millions, une place privilégiée à la table de Donald Trump. Elles se paient des lobbyistes pour charmer les élus et faire valoir leurs intérêts capitalistes, au détriment de la société civile.

Pour vaincre Goliath, il faut s’organiser.

Cette nouvelle manche, nous l’avons perdue. Mais une solution est à portée de main.

Pour ce faire, par contre, l’improvisation à laquelle nous avons assisté à Ottawa ne sera pas suffisante.

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