Les Canadiens pourront-ils sauver ce petit pays face à l'ours russe?

Guillaume St-Pierre
En période trouble, on s’accroche aux symboles.
C’est la stratégie que semble avoir adoptée le gouvernement Trudeau en ce début de tournée diplomatique européenne.
Elle a produit peu de concret jusqu’à présent, même après une rencontre avec une grosse poignée de chefs de gouvernement et le patron de l’OTAN.
Même qu’à côté d’eux, le Canada a l’air d’en faire bien peu, surtout du point de vue de l’accroissement des dépenses militaires. Sur ce sujet qui lui semble tabou, Justin Trudeau demeure tiède.
De la fébrilité dans l’air
Cette tournée est d’abord une démonstration de force et d’unité face à Vladimir Poutine.
En Lettonie, la présence canadienne et celle de l’OTAN sont remarquées.
Chez les troupes, on est content de recevoir ce soutien moral en personne.
« Ça fait plaisir d’avoir une visite comme ça », lance au premier ministre Trudeau Frédéric Tremblay, un militaire de Québec posté à la base d’Ādaži depuis décembre.

Les pieds plantés dans l’épais sable ocre, le Québécois de 30 ans sert son arme en prenant la pose devant des camions et chars d’assaut.
Sa famille s’inquiète par texto à partir de l’autre côté de l’Atlantique, mais elle accepte son rôle.
« C’est sûr qu’on rassure nos proches, mais pour l’instant, ça ne bouge pas trop », dit-il en évoquant la menace russe.
Préférer mourir
Il faut sortir de la base militaire pour observer toute la « fébrilité » qui se fait sentir face au conflit armé qui se joue en Europe.
« Nous, au Canada, la menace, on ne la vit pas vraiment parce qu’on est loin », croit William Lebel, un caporal de 28 ans qui a grandi à Lévis. Mais eux vivent avec. Ça se ressent vraiment. »
Dans les rues de la capitale de la Lettonie, Riga, située à une trentaine de kilomètres de la base, l’invasion de l’Ukraine ravive des craintes que l’on pensait appartenir à l’histoire.
« Je suis profondément triste, en colère, j’ai de la difficulté à exprimer ce cocktail horrible d’émotions dans mon cœur, dans ma tête, à propos de la situation en Ukraine », largue Iveta Mielava au milieu de sa boutique de musique.

« C’est la guerre à côté, ce sont nos voisins. »
Quatre petites heures de route séparent Riga de la frontière russe. Le petit pays de moins de 2 millions d’habitants a vécu sous le joug soviétique jusqu’en 1991.
Iveta se souvient de cette époque, et pour rien au monde elle ne voudrait y retourner.
« Je préférerais mourir », me dit l’artiste de 61 ans.
« Nous n’avions aucune liberté. Nous ne pouvions rien dire, aller nulle part. »
Un pour tous, tous pour un
C’est en Lettonie que le Canada a son plus important contingent déployé à l’étranger. Quelque 550 militaires canadiens pilotent les troupes de l’OTAN, avec une promesse d’en mobiliser jusqu’à près de 1000 au total.
Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a réitéré avec fermeté hier que le principe du « un pour tous, tous pour un » sera respecté en cas d’agression russe.
« On est assez bien préparés, autant mentalement que physiquement », dans l’éventualité d’un conflit, promet le caporal-chef Frédéric Tremblay.
Sommes-nous jamais vraiment préparés à une telle éventualité ?
La présence de soldats de l’OTAN rassure à Riga.
Iveta souhaite avant tout que l’Occident voie la Russie de Poutine « pour ce qu’elle est ».
« Je pense que les diplomates et les gouvernements occidentaux sont naïfs. »
« La Russie n’est pas si forte. Elle est surtout orgueilleuse. »