Peter Simons cède les commandes de La Maison Simons
Pour la première fois en 182 ans, ce n’est pas un Simons qui est à la tête de l’entreprise
Jean-Michel Genois Gagnon
Être entrepreneur signifie parfois mettre son ego de côté et avoir l’intérêt de la compagnie au cœur des décisions. «Mon père me disait toujours “vous avez un choix à faire dans la vie, est-ce que la famille existe pour l’entreprise ou est-ce que l’entreprise existe pour la famille?”», déclare Peter Simons.
Après 182 ans et cinq générations d’entrepreneurs, M. Simons a poursuivi la recette familiale en misant avant tout sur La Maison Simons, en nommant Bernard Leblanc président et chef de la direction, mardi.
C’est cependant la première fois dans son histoire que le détaillant se retrouve avec un président qui ne porte pas le nom Simons sur son baptistaire, et cette décision a été prise même si l’heure de la préretraite n’a pas sonné pour l’ex-patron.
«J’ai 57 ans. Je m’entraîne quatre fois par semaine pour éviter justement la préretraite», a confié avec une pointe d’humour M. Simons, concédant que cette décision n’a pas été prise sans émotion.
«Honnêtement, c’était une question de timing. Là, les affaires vont bien. [...] Ce qui me faisait le plus peur, c’était de faire comme d’autres personnes qui attendent trop longtemps. Des gens qui ne pensent pas à l’entreprise, mais plutôt à leurs besoins. Je ne voulais pas tomber dans ce piège», ajoute-t-il.
L’homme d’affaires demeurera dans l’organisation comme chef marchand, il se concentrera surtout sur le développement de «l’assortiment mode et le rayonnement de la marque», et il continuera de siéger au conseil de famille. Son frère Richard restera également dans l’entreprise.
La famille Simons demeurera l’actionnaire de contrôle du détaillant. Ce changement a été approuvé par les autres partenaires financiers, comme Investissement Québec et la Caisse de dépôt et placement du Québec.
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Une réflexion
M. Simons songeait depuis déjà plusieurs mois à passer le flambeau, alors que l’entreprise affiche maintenant une croissance, une bonne santé financière, et qu’elle souhaite poursuivre son développement.
«L’organisation parle d’une certaine façon. Là, c’était le bon temps, et elle me disait: "aie le courage". Tu ne peux pas demander aux gens durant la COVID-19 d’être courageux, d’affronter des changements et d’être résilients, et lorsque c’est ton tour, tu flanches», souligne M. Simons, assurant ne pas avoir ressenti une pression de la part de ses partenaires pour quitter son poste.
Le nouveau président et chef de la direction n’est pas un inconnu de La Maison Simons. M. Leblanc occupait jusqu’à mardi le poste de vice-président directeur et chef des opérations corporatives. Il aura comme mandat de poursuivre le développement des magasins et du site en ligne.
«Essentiellement, on garde le cap sur les priorités d’affaires que nous avons établies ces derniers mois», mentionne-t-il, n’écartant pas la possibilité d’ouvrir de nouveaux magasins, comme à Toronto ou du côté d’Halifax.
Heureux
M. Simons se réjouit d’être parvenu à compléter son virage numérique ces derniers mois, malgré les défis reliés à la pandémie. La Maison Simons peut maintenant compter sur son centre de distribution de 200 M$, à Québec.
En 2018, Québec avait octroyé un prêt de 81 M$ pour ce chantier, le Fonds immobilier de solidarité FTQ avait investi 20 M$, la Caisse, 27 M$, et Investissement Québec, 17 M$.
Ces deux dernières années, M. Simons n’a jamais caché avoir eu peur de perdre son entreprise. Au printemps 2020, tous les scénarios étaient sur sa table, notamment une restructuration ou l’ajout d’investisseurs. Il a dû s’endetter de 30 M$ auprès de BDC Capital pour aider la compagnie.
Même s’il n’est plus le président de La Maison Simons, un poste qu’il occupait depuis 26 ans, M. Simons ferme la porte à l’idée de faire le saut en politique à l’automne prochain.
La Maison Simons a été fondée en 1840 par John Simons. L’enseigne compte 15 magasins au Canada et près de 3000 employés. Une 16e succursale ouvrira ses portes au Centre Fairview Pointe-Claire, en mai.
Le premier ministre François Legault a salué le travail de M. Simons, mardi.
«C’est une page d’histoire qui se tourne. [...] Il reste actionnaire, et c’est ça qui est important», a-t-il indiqué.
– Avec la collaboration de Marc-André Gagnon