Pénurie d’Ozempic: des médecins cessent de le prescrire juste pour perdre du poids
Ils s’arrachent les cheveux de la tête à trouver des alternatives aux patients diabétiques privés du médicament

Hugo Duchaine
Des médecins cessent de prescrire de l’Ozempic uniquement pour perdre du poids, en raison de la pénurie qui perdure et prive des malades diabétiques de leur traitement.
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«Est-ce qu’il y a un buzz? La réponse c’est oui. Le Québec entier connaît l’Ozempic [...] Il y a des patients qui entrent dans le bureau, et me disent “je suis ici pour avoir une prescription d’Ozempic et rien d’autre”», lance le Dr Yves Robitaille, à propos de l’engouement monstre observé depuis un an.
Ce médicament injectable contre le diabète de type 2 est un coupe-faim efficace, qui permet ainsi de perdre du poids. Plusieurs patients l’obtiennent «hors indication» d’un médecin, afin de maigrir.
Le Dr Robitaille, spécialiste en médecine interne au Centre de médecine métabolique de Lanaudière, a cessé de le prescrire pour cette raison «au grand désarroi des patients».
Se responsabiliser
«Il faut se responsabiliser comme médecin et suivre les indications appropriées», tranche l’endocrinologue André Carpentier. Bien qu’il reconnaisse que l’Ozempic a fait ses preuves contre l’obésité, et que Santé Canada l’approuve aussi pour la perte de poids, sa forte popularité a causé une pénurie.

Médecins et pharmaciens s’arrachent désormais les cheveux de la tête à trouver des alternatives pour leurs patients diabétiques privés d’Ozempic.
La Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), qui remboursait ce médicament à près de 46 000 diabétiques en octobre dernier, accepte de payer temporairement les médicaments Victoza ou Trulicity pour compenser.
La pharmaceutique derrière l’Ozempic, produit aussi le Rybelsus, sous forme de comprimés, et pour lequel elle mène un tapage publicitaire.
«C’est irresponsable, dénonce Benoit Morin, président de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP). Dans un contexte où l’offre ne répond pas à la demande.»
Jusqu’en mars
Toutes les publicités créent une énorme pression sur la demande, dit-il. Les pharmacies reçoivent des quantités d’Ozempic au compte-gouttes et la pénurie devrait durer jusqu’en mars prochain, au minimum.
Déjà, le fabricant du Mounjaro, un médicament similaire d’un compétiteur, a rapporté que la demande dépassait ses attentes, souligne M. Morin.
Il remarque que même la fin du remboursement du médicament par les assureurs privés cet été n’a pas freiné l’ardeur des Québécois, prêts à dépenser jusqu’à 500$ par mois.
La folie pour l’Ozempic est du jamais-vu pour le Dr Robitaille en 26 ans de pratique. Les patients à qui il prescrivait des médicaments contre l’hypertension ou le cholestérol, par exemple, lui demandaient toujours s’ils pouvaient faire autre chose avant d’accepter les pilules. Désormais, les gens veulent de l’Ozempic plutôt qu’un rendez-vous avec une nutritionniste ou un kinésiologue.
«Si on ne fait que vouloir prendre l’Ozempic pour adresser le problème d’obésité, on a un problème collectif très important [...] Il faut changer notre environnement, l’alimentation, les transports actifs, il y a plein de stratégies», plaide le Dr Carpentier.
Services pharmaceutiques remboursés par la RAMQ
Ozempic:
Janvier 2023: 36 379 personnes (7,9 M$)
Octobre 2023: 46 560 personnes (14,5 M$)
Novembre 2023: 42 562 personnes (10,9 M$)
En novembre 2023, environ 450 personnes de plus ont pris le médicament Victoza et 22000 personnes le Trulicity que le mois précédent (octobre).
Source: RAMQ
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